137 personnes sont mortes lors des raids de dimanche dans des villages proches de la frontière entre le Niger et le Mali. 256 personnes sont mortes dans la zone des « Trois frontières » en un peu plus d’une semaine.
Des dizaines de personnes sont mortes dans le massacre djihadiste le plus meurtrier qui ait jamais frappé le Niger, a annoncé lundi le gouvernement, soulignant l’énorme défi sécuritaire auquel est confronté le nouveau président Mohamed Bazoum. Le porte-parole du gouvernement, Zakaria Abdourahamane, a aussi exprimé sa tristesse pour la mort des civils et insisté sur ce qu’il a qualifié d’actes « lâches et criminels ».
Il a fallu deux jours pour les militaires dépêchés sur les lieux des attentats du 21 mars pour décompter les 137 morts civils. Le bilan est donc bien supérieur aux 60 morts annoncés plus tôt. Les trois villages attaqués se trouvaient à Tahoua, jouxtant la région de Tillaberi, qui a subi 13 attentats terroristes meurtriers de l’Etat Islamique dans le Grand Sahara (EIGS). La dernière attaque en date de Tillaberi avait eu lieu le 14 mars, un bus avait été mitraillé par les terroristes et 66 personnes étaient mortes.
Un jour plus tard, le même EIGS a fait 33 morts dans les rangs de l’armée malienne. Sur la frontière entre le Niger et le Mali depuis janvier, ce sont donc près de 350 personnes qui sont mortes dans les attentats.
Le Niger à bout de souffle
L’élection du nouveau président nigérien, Mohamed Bazoum, a été confirmée dimanche par la cour constitutionnelle. Ce n’est donc pas un hasard si l’attentat a eu lieu le même jour. « L’EIGS n’exprime ses ambitions politiques qu’en morts civils », a déclaré le commandant de la force militaire conjointe du G5 Sahel (FCG5S), Didier Dacko, au journal « Le Sahel ».
Pour Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) il s’agirait de « perturber l’image des autorités nigériennes, d’handicaper d’avantage l’ancrage de l’État nigérien », selon l’agence Sputnik France.
Le 2 janvier, 100 personnes ont été tuées dans des attaques contre deux villages du district de Mangaize à Tillaberi. Le massacre, l’un des pires de l’histoire du Niger, s’est produit entre deux tours de l’élection présidentielle du pays. Un an plus tôt, le 9 janvier 2020, l’armée nigériane avait perdu 89 hommes dans une attaque contre un camp militaire à Chinegodar, un mois après la mort de 71 soldats dans une attaque à Inates et au début de la compagne électorale.
Il ne fait donc aucun doute que les attaques terroristes, particulièrement au Niger, visent toujours des civils et dans un contexte électoral. Bazoum, élu le 21 février, est un ancien ministre de l’Intérieur qui a été le dauphin et le bras droit du président sortant Mahamadou Issoufou. Il a juré de lutter contre l’insécurité et a ordonné des renforts de l’armée dans la région de Tillabéri après l’effusion de sang du 15 mars. Cependant, avec deux de ses alliés du G5 Sahel qui négocient déjà avec les terroristes de l’EIGS, Bazoum risque d’avoir besoin d’alliés.
En l’occurrence, depuis le sommet du G5 Sahel, l’armée tchadienne a déployé un contingent de plus de 1 200 soldats, après un accord conclu avec la France. Ces soldats sont toujours attendus au Niger, cependant.
Que représenterait une trêve?
Entre le Mali, qui est poussé de plus en plus à un dialogue avec l’EIGS par l’Algérie, et le Burkina Faso, qui ne peut plus se permettre de perdre son territoire face aux organisations terroristes, seuls la France, le Tchad et les Etats-Unis sont investis sur le long terme dans la guerre dans la zone des « Trois frontières ».
Cependant, dans l’éventualité où le Niger négocierait une trêve avec les terroristes de l’EIGS, deux conséquences seraient à prévoir : la France n’aura plus de raisons d’avoir une armée déployée au sud malien, et la moitié du continent n’aura plus que deux menaces terroristes à affronter dans l’immédiat : le GSIM et l’AQMI, représentants d’al-Qaïda en Afrique.
Ces derniers seraient acculés et en manque de moyens, mais pour que cela se réalise, il faut que plus de neuf pays africains se mettent d’accord. Dans le contexte nigérien, il s’agirait d’une double victoire. La fin, même pour une courte durée, des attentats à l’ouest du Niger, et une période de calme dont Bazoum a largement besoin pour s’établir politiquement et installer son gouvernement.