Au Burkina Faso, la junte au pouvoir a déclaré à la télévision nationale, ce lundi 31 janvier, que son chef, le colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, était désormais chef de l’Etat et commandant suprême des forces armées.
Une semaine, jour pour jour, après le coup d’Etat au Burkina Faso, le Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR) met en place son « acte fondamental ». Un document de 37 articles garantissant « l’indépendance du pouvoir judiciaire, la présomption d’innocence, les libertés fondamentales énoncées dans la Constitution de 1991 telles que la liberté d’expression et de mouvement », entre autres.
Le MPSR a aussi décidé que son chef, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, sera le président par intérim – chef de l’Etat et commandant suprême des forces armées – pour la période de transition dont les échéances seront définies par la suite. Le communiqué du MPSR annonce, aussi, le rétablissement de la constitution, prenant néanmoins acte de la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée nationale.
Le coup d’Etat au Burkina Faso entre légalité et légitimité
La junte burkinabé met aussi en exergue « le caractère légitime et populaire des évènements ayant conduit à la démission du président le 24 janvier 2022 ». Un acte officiellement non reconnu par les instances internationales, la Cedeao en premier. Cependant, un enregistrement audio ayant fuité de la réunion virtuelle de la Cedeao, vendredi dernier, met en scène une certaine résignation des chefs d’Etat de la Cedeao. On y entend, notamment, Alassane Ouattara et Nana Akufo-Addo appelant Roch Kaboré « l’ancien président ».
Pourtant, la Cedeao a suspendu le Burkina Faso de ses instances. Une décision par défaut que la Cedeao avait infligée également au Mali et à la Guinée, après leurs coups d’Etat respectifs. Mais alors que les rangs de la Cedeao se vident, l’instance ouest-africaine se réconciliera-t-elle un jour avec la popularité des dirigeants militaires ayant démis les présidents des trois pays du bloc ?
Rien n’est moins sûr. Une mission de la Cedeao, dirigée par la ministre ghanéenne des Affaires Etrangères Shirley Ayorkor Botchway, et rejointe par le représentant spécial de l’ONU Annadif Khatir Mahamat Saleh, s’est déplacée à Ouagadougou dimanche. Après avoir rencontré des membres du MPSR, la délégation a rendu visite au président déchu Roch Marc Christian Kaboré. Botchway assure que Kaboré « va bien » et qu’il serait même « de bonne humeur ».
Reste à savoir, comment procédera la Cedeao maintenant. Surtout que la restauration de la Constitution était l’unique condition de l’Union africaine vis-à-vis des autorités militaires du Burkina Faso. Le débat légalité contre légitimité, du coup d’Etat burkinabé, demeure insoluble.
L’opportunité pour la Cedeao de faire bouger les lignes
Une autre délégation de la Cedeao, dirigée par le général Francis Béhanzin, commissaire au département politique, paix et sécurité de la Cedeao, a rencontré Damiba samedi dernier. En envoyant des chefs militaires discuter avec le président du Burkina Faso, la Cedeao change-t-elle d’approche ?
Les dirigeants de la Cedeao tiendront un sommet sur le Burkina Faso, jeudi prochain, pour évaluer les deux missions déployées à Ouagadougou et décider d’éventuelles sanctions.
Il est improbable que la Cedeao crée la surprise en discutant de bonne foi avec Paul-Henri Sandaogo Damiba. Toutefois, la junte burkinabé a préparé les conditions nécessaires pour. Dans son premier discours public, Damiba a insisté que « le Burkina Faso a besoin, aujourd’hui plus que jamais, de ses partenaires internationaux ». Et en restaurant la Constitution, le MPSR fait preuve de bonne volonté, surtout vis-à-vis de l’Union africaine (UA).
Une remarque pertinente est celle du général Francis Béhanzin. Après s’être entretenu avec Damiba, le commissaire de la Cedeao a déclaré que le nouveau président du Burkina Faso « souhaite que la Cedeao soutienne ce qui se passe au Burkina ».