Alors que la Céni a débuté ses opérations d’enrôlement des électeurs, celle-ci est confrontée à des blocages au Nord-Kivu, où la population ne veut, pour le moment, pas entendre parler des élections de décembre prochain.
Fin 2018, en République démocratique du Congo (RDC), la Commission électorale nationale indépendante (Céni) avait annoncé sa décision de reporter les scrutins présidentiel, législatifs et provinciaux dans plusieurs circonscriptions du Nord-Kivu. En cause : la persistance du virus Ebola dans la région et des incidents meurtriers. Les habitants du Nord-Kivu avaient alors protesté contre la décision de la Céni. Candidat à la présidentielle, Martin Fayulu avait dénoncé « une énième stratégie pour détourner la vérité des urnes ».
Cinq ans plus tard, alors que la Céni prépare la présidentielle de décembre prochain, un report pourrait une nouvelle fois être évoqué. Mais cette fois, la colère des habitants du Nord-Kivu n’est plus la même : la Commission électorale nationale indépendante débute en effet aujourd’hui les opérations d’enrôlement pour les électeurs dans la région. Problème : pour ce faire, elle doit effectuer des opérations de recensement dans les zones de déplacement du Nord-Kivu. Or, sur place, elle se trouve confrontée à une certaine opposition.
Les déplacés veulent des actes politiques
Car la situation sur place inquiète : le groupe rebelle M23 ne cesse de progresser depuis un an. Ce qui a causé de nombreux déplacements. Plus d’un demi-million de personnes seraient concernées par les mouvements de populations. Depuis plusieurs mois, la Céni réfléchit à une méthode pour poursuivre sa mission. « Ceux qui sont dans les camps seront identifiés par rapport à leurs résidences de provenance », expliquait l’instance en décembre dernier. Ajoutant que les électeurs déplacés voteraient dans leur camp mais que leurs voix seraient comptabilisées dans leu circonscription de provenance.
Malgré la prévoyance de la Céni dans ce dossier, les sociétés civiles du Nyiragongo, du Rutshuru et du Masisi affirment vouloir empêcher le recensement. Pour elles, la priorité, c’est la fin du conflit. « On attend du gouvernement qu’il mette des moyens pour finir cette guerre. Le vote aujourd’hui, ce n’est pas notre priorité et si la Céni persiste, on prendra nos responsabilités », prévient Jean-Claude Bambanze, le président de la société civile du Rutshuru. Autrement dit, il faut gérer la crise avant de penser aux élections.
Un éventuel blocage des opérations de la Céni mettrait à mal le calendrier électoral. N’est-ce pas d’ailleurs là une volonté de la part de l’opposition ? Martin Fayulu, en octobre dernier, estimait qu’il fallait « revoir la loi électorale et réexaminer la composition de la Céni et de la Cour constitutionnelle » avant d’envisager l’organisation des élections. L’opposant se disait alors favorable à un report des élections.
Un report demandé par les églises
Même son de cloches du côté des très influentes églises catholiques de RDC. Celles-ci recommandent le prolongement de la durée des enrôlements et, par conséquent, le report des élections. En janvier, la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) et l’Eglise du Christ au Congo (ECC) ont publié un rapport dans lequel elles pointent de nombreuses irrégularités. « Il y a par exemple le fait que des bureaux sont répertoriés dans la cartographie mais ceux-ci n’existent pas sur le terrain », déplorait un observateur.
« Il faudrait que la Céni prenne rapidement la mesure de la chose si nous voulons sauver le processus. Pour ne pas avoir un glissement, il faut déjà tirer les leçons de cette première aire opérationnelle », indiquait alors le révérend Eric Nsenga Nshimba, secrétaire général de l’ECC. Le recensement dans une nouvelle aire, celle du Nord-Kivu, touchée par la guerre, montre que les difficultés seront de plus en plus nombreuses. De quoi provoquer, de facto, un report électoral ?