Pretoria demande à la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye d’obliger Israël à suspendre ses opérations militaires à Gaza. Une action très symbolique.
On est très loin de 1973. Après la guerre du Kippour, cette année-là, les Etats africains avaient décidé d’un commun accord de suspendre leurs relations avec Israël. À l’époque, Israël disposait pourtant d’une trentaine d’ambassades sur tout le continent africain et la Première ministre Golda Meir avait réussi à tisser des relations solides avec certains pays. Ironie du sort : la même Golda Meir avait fait condamner le régime sud-africain de l’apartheid aux Nations unies, en 1962. Six décennies plus tard, c’est l’Afrique du Sud qui a déposé plainte devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye contre Israël, accusant l’Etat hébreu de génocide dans la bande de Gaza.
Et ce jeudi 11 janvier et vendredi 12 janvier, la CIJ est en pleine audience concernant cette plainte. Il est forcément question de la réponse disproportionnée d’Israël à l’attaque du Hamas, du 7 octobre dernier, et des 23 000 personnes tuées à Gaza. Pretoria accuse également Israël de ne pas respecter la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, qui qualifie de génocide tout acte « commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».
Les termes sont donc posés. Et alors que de nombreux pays africains poursuivent leurs relations diplomatiques avec Israël, l’action en justice de l’Afrique du Sud montre le courage de ce pays marqué par l’apartheid. Pour étayer sa plainte, l’Afrique du Sud s’appuie sur de nombreux éléments, parmi lesquels des déclarations incendiaires d’officiels israéliens.
Mais est-ce qu’une telle plainte peut aboutir ? Plusieurs pays ont déjà tenté d’alerter la Cour pénale internationale (CPI) par le passé. La CPI enquête d’ailleurs depuis 2021 sur des crimes de guerre commis dans les territoires palestiniens, alors que le procureur de l’instance, Karim Khan, demande l’extension du mandat pour enquêter sur les violations commises par l’armée israélienne depuis le 7 octobre. Sauf qu’Israël n’est pas membre de la CPI et que le Premier ministre israélien accuse la CPI d’« antisémitisme ».
Devant la CIJ, l’Afrique du Sud demande que soit prises neuf mesures conservatoires pour éviter que le drame ne se poursuive. Parmi ces mesures, Pretoria demande la suspension immédiate des opérations militaires israéliennes ou encore la protection des Palestiniens. L’urgence est avancée pour que la CIJ acte rapidement.
Et alors que l’on ne compte plus les morts à Gaza, Israël répond à ces accusations en parlant de… « diffamation absurde », affirmant que « l’Afrique du Sud joue l’avocat du diable » et se rend « criminellement complice des auteurs du massacre du 7 octobre » et des « descendants modernes des nazis ».
La prise de mesures conservatoires serait en tout cas une première, après ces deux jours de plaidoiries. Reste que cela pourrait bien n’avoir aucune conséquence : si les décisions de la CIJ sont juridiquement obligatoires, Israël ne respectera certainement pas ses obligations. Car Israël ne risque en réalité aucune sanction en ne respectant pas ces dernières. Et on le voit avec les nombreuses résolutions de l’ONU contre l’Etat hébreu : Tel-Aviv n’en a que faire du droit international.