En Afrique, la sécurité privée a le vent en poupe. Nombreux sont les acteurs internationaux à jouer un rôle auprès d’États, d’entreprises ou d’ONG.
Sans sécurité, pas de croissance économique en Afrique. Entreprises, institutions internationales et ONG ne peuvent s’engager durablement dans un pays et investir sur des projets d’infrastructure ou des programmes éducatifs sans garantie pour les personnes et les biens.
Malheureusement, dans un grand nombre de pays du continent africain, l’action de la police relève davantage de l’exaction, du racket et des trafics en tout genre en lien avec la criminalité organisée que de la protection des citoyens.
Cette insécurité permanente pour les populations et les acteurs économiques n’a fait que croître avec l’émergence du terrorisme islamiste et l’explosion du business de l’enlèvement.
Dans ce paysage chaotique, quelques grosses sociétés de sécurité privée se sont positionnées comme des acteurs incontournables du paysage africain. Un paysage aux allures de far-west, tant la concurrence est rude entre les grands crocodiles du marigot sécuritaire.
De Ouagadougou à Bamako, en passant par N’Djamena
On les croise sur tout le continent, de Ouagadougou à N’Djamena, en passant par Khartoum, Bamako, Maputo, ou Kenyatta. Ils débarquent en jet privé pour une visite express, foncent directement vers les palais présidentiels et s’attardent rarement plus de 48 heures dans le pays avant de filer vers une autre capitale. Véritables flibustiers des temps modernes, ils se battent pour des parts du marché qui sont colossales. Leur objectif, toujours le même : gagner la confiance du chef de l’État, leur point d’entrée. Cette condition une fois satisfaite, au moyen parfois d’arguments que la morale et les finances publiques réprouvent, l’État leur déroule le tapis rouge. La suite n’est plus que formalité. Les contrats gouvernementaux valent souvent recommandation de fait, quand ce n’est pas une véritable « incitation » auprès des entreprises implantées localement.
Pour des raisons éthiques, les grands groupes de la sécurité privée, ceux cotés en bourse, ont abandonné progressivement l’Afrique. Pas question pour eux d’être associés de près ou de loin aux agissements du groupe Wagner, fondé par le russe Evgueni Prigojine et très actif en République Centrafricaine et au Mali. Dans ces deux pays, Wagner se serait rendu coupable, selon l’Organisation des Nations unies (ONU), de « meurtres indiscriminés » et d’actes de violence contre des civils, le modèle économique de l’organisation Wagner étant basé sur l’appropriation forcée de concessions de toute nature en échange de la fourniture de « sécurité » et de protection pour les chefs d’états locaux. Un modèle qui rappelle les heures noires de la perestroïka post-URSS où l’on devenait propriétaire d’une usine en entrant de force, accompagné de gros bras et où l’on forçait le directeur à signer les papiers nécessaires à la transmission du patrimoine.
Nouveaux acteurs
D’autres acteurs au moins aussi sulfureux, comme l’américain Erik Prince, fondateur de l’ex-Blackwater, se battent pour empocher les contrats aux côtés d’entreprises locales, notamment en République Démocratique du Congo, au Mozambique, en Libye, … Erik Prince qui était jusqu’à présent en « guerre pour les intérêts chinois en Afrique » comme annoncé dans le journal Le Monde, avec ses associés du groupe Hongkongais, Frontier Service Group, filiale du géant CITIC, joue maintenant cavalier seul et essaie de promouvoir la privatisation globale de la sécurité et du secteur de la défense auprès des gouvernements africains. Il reçoit souvent une oreille attentive même si la méfiance des chefs d’Etats et le manque de budget a pour l’instant fait obstacle à ses ambitions de privatiser les armées locales … Cité dans un rapport des Nations-Unies sur de présumées opérations commando de tueurs en Libye pour le compte du Maréchal Haftar, il se fait depuis quelques mois discret, bien au chaud dans son ranch du Wyoming, malgré de tonitruantes annonces sur les réseaux sociaux quant à la capacité qu’il aurait eu à éviter le conflit par la mobilisation d’une flotte d’avions privés armés… à suivre.
Mais Russes et Américains ne sont plus les seuls à naviguer dans les eaux troubles de la sécurité privée en Afrique. Ils doivent compter désormais sur la concurrence d’un nouveau venu, le Français Alexandre Benalla, un ancien chargé de mission auprès du président de la République française qui a défrayé la chronique en 2018. La discrète filiale de son entreprise COMYA Group basée au Royaume-Uni, Comya Defense Services Ltd, est très active sur le continent. Malgré les quelques dénégations publiques suite à ses voyages au Tchad et au Congo-Brazzaville en 2018, Benalla se positionne comme interlocuteur de confiance et conseiller de l’ombre, s’appuyant sur sa connaissance du continent et son « amitié » avec quelques-uns des plus influents chefs d’Etats pour engranger missions et contrats auprès d’acteurs privés dans le domaine du « oil and gas » et des mines. Une source proche d’un service de renseignement occidental nous a confié qu’il était sans doute l’un des mieux informés des secrets de palais, bien souvent le premier à être averti de l’imminence d’un coup d’Etat. Et s’il revendique une approche plus « soft » du marché que celle de ses grands « concurrents » russe et américain, il n’en reste pas moins l’un des leurs. Et le jeune crocodile Benalla entend bien résister aux dents acérées de ses concurrents pour prendre sa place sur le « marché ».