Malgré les avancées de Muhammadu Buhari dans la mise en œuvre des projets de développement d’envergure au Nigéria, la presse ne rate pas une occasion pour tacler le chef d’Etat.
« Le Nigéria est chanceux. Notre pays est resté uni malgré les défis », a affirmé haut et fort le président du Nigéria Muhammadu Buhari, lors de son discours hebdomadaire, hier, sur la télévision nationale. Le rapport du Sommet de la sécurité du Nigéria, tenu en mai, vient de publier ses résultats. Le bilan – préalable à la mort du chef de Boko Haram Abubakar Shekau et à l’arrestation du chef de l’Ipob Nnmadi Kanu – est positif : l’insécurité a globalement baissé de 14 % au Nigéria en un an.
Toutefois, la presse nationale, mais également la presse internationale, multiplient les critiques envers le chef de l’Etat. A lire les journaux, Buhari semble être le pire président du continent. Un édito publié par The Guardian — l’homonyme nigérian du célèbre journal britannique — demande par exemple « comment ne pas détester Buhari » et dit attendre avec impatience la fin de son mandat. Même son de cloche chez Vanguard ou Punch, deux titres nigérians qui ne portent pas Buhari dans leur cœur.
Du coup, les médias publics français relaient critiques et reproches de ces journaux d’opinion nigérians. Sans toutefois évoquer les mesures positives prises par le président Buhari, qui ont notamment permis la hausse de l’électrification et de l’accès à l’eau potable dans le pays. La presse occidentale évoque les critiques émises par les journaux nigérians en évitant également d’évoquer l’inauguration du premier TGV en Afrique par Buhari ou encore les initiatives souveraines visant la réduction de l’inflation. Les journaux internationaux sont actuellement concentrés sur les conditions de détention de Nnamdi Kanu et Sunday Igboho.
Buhari malaimé à cause du Biafra ?
Au Nigéria, Buhari semble être aujourd’hui forcé de composer avec une panoplie de médias qui ne l’apprécient guère. En témoigne la présence d’une rubrique #EndSARS dans certains journaux. Punch, dans un article cinglant, écrit : « Non à la censure autoritaire de la presse par Buhari ». Nombreux sont les journaux — The Nation, ThisDay, Guardian ou encore le Daily Sun — à protester contre le projet de loi sur les médias discuté actuellement au Parlement. Plusieurs titres ont publié, en même temps, la même une avec un titre évocateur : « Information blackout ». Les journalistes s’appuient sur la récente interdiction de Twitter pour crier au bâillonnement.
Or, que contient vraiment le projet de loi ? Tout d’abord, il prévoit des amendes — allant jusqu’à 5 millions de nairas, soit plus de 12 000 dollars — aux journaux et journalistes qui diffuseraient des fake news. Des peines de trois ans de prison sont également envisageables. Là où la presse agite le drapeau de la liberté d’informer, le président de la commission des médias et de la publicité de l’Assemblée nationale, Ajibola Basiru, rappelle que « le fait que l’on réglemente les activités des médias comme la radio, la télévision ne signifie pas que vous bâillonnez les médias ».
Le débat est ouvert, et légitime au Nigéria. Mais les reprises d’information par le New York Times, le Washington Post, Reuters, France 24 ou encore RFI montrent à quel point la presse internationale se plait à relayer des informations parcellaires, sans forcément savoir ce dont elle parle. Quoi qu’il en soit, surtout depuis le début de la bataille entre le président nigérian et Twitter, pour les médias internationaux, Buhari semble être passé dans la catégorie des présidents autoritaires.
Un désamour qui s’explique aussi par le soutien de la presse internationale au Biafra. L’Occident soutient à mots à peine voilés la rébellion biafraise, la France n’ayant jamais caché son soutien à la cause. Tout comme le patron de Twitter, Jack Dorsey. Or, l’Ipob, l’organisation sécessionniste au Biafra, a été placé sur la liste des organisations terroristes par les Etats-Unis.