Avant l’arrestation de militaires ivoiriens au Mali, qui envenime les relations entre les deux pays depuis trois mois, Bamako avait accusé Abidjan d’avoir fait capoter une transaction dans le cadre d’un énorme contrat minier.
46 militaires sont au cœur, depuis plusieurs mois, d’un conflit entre Bamako et Abidjan. Le président Alassane Ouattara a une dent contre le régime Goïta depuis que des militaires ivoiriens ont été arrêtés au Mali. L’histoire débute en juillet dernier, lorsque le ministre malien de l’Intérieur, Abdoulaye Maïga, explique dans un communiqué avoir arrêté des soldats ivoiriens qui seraient, en réalité, des mercenaires qui cherchent à déstabiliser le Mali. Depuis, Bamako et Abidjan ne cessent de discuter, parfois avec quelques tensions.
En septembre la junte malienne avait accepté de libérer les soldats, à condition que des personnalités politiques maliennes vivant à Abidjan soient renvoyées à Bamako. Du côté de la Côte d’Ivoire, cette demande du pouvoir en place au Mali devait être considéré comme « une prise d’otage qui ne restera pas sans conséquence », Abidjan la considérant comme un « marché inacceptable ».
Un contrat minier à plus d’un milliard de dollars
Un véritable dialogue de sourds qui a eu, pour conséquence, le retrait, de la Côte d’Ivoire, de ses troupes de la mission de l’ONU au Mali. Le 11 novembre dernier, Abidjan a annoncé dans un courrier que ses 900 soldats quitteraient en effet le Mali. « La relève de la compagnie de protection basée à Mopti ainsi que le déploiement des officiers d’état-major et des officiers de police prévus respectivement en octobre et novembre 2022 ne pourront plus être effectués », affirme le gouvernement ivoirien.
Mais une enquête d’Africa Intelligence affirme que, « parmi les facteurs ayant poussé à la spectaculaire dégradation des relations entre Abidjan et Bamako » se trouverait « un contrat minier à plus d’un milliard de dollars passé en octobre 2021 entre une société allemande et un groupe malien ». Cet accord, signé en octobre 2021, implique la création d’une joint-venture entre RavenFinance et la raffinerie d’or Kankou Moussa Refinery (KMR), basée à l’aéroport international Modibo-Keïta.
Sur fond de sanctions de la part des instances sous-régionales contre le Mali, ce contrat est important pour le régime Goïta. Mais 56 millions d’euros transférés par la société allemande ont disparu dans la nature. Les colonels maliens accusent alors directement la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et Alassane Ouattara, jugé très proche de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), d’avoir fait bloquer le transfert de fonds.
Échanges de salves
Fin octobre, le Mali transmet à la Côte d’Ivoire une proposition d’accord confidentiel, en vue de la libération des soldats ivoiriens, dans lequel Bamako écrit que « les deux parties s’interdisent tout appui politique, logistique, militaire et financier à toutes entités, personnes ou forces hostiles à l’une ou l’autre partie » et renoncent au « recours à des sanctions politiques, militaires, économiques et financières dans le cadre d’institutions régionales ». Alassane Ouattara balaie la proposition malienne d’un revers de la main.
Reste que, depuis ces accusations sans preuves, Alassane Ouattara et Assimi Goïta semble irréconciliables. Les arrestations de soldats seraient-elles liées à ce dossier brûlant ? Quoi qu’il en soit, depuis, le président ivoirien a accusé le Mali de soutenir Guillaume Soro, son opposant exilé. Là aussi, aucune preuve de liens entre Bamako et l’Ivoirien n’a été publiée. Malgré tout, les deux pouvoirs africains continuent les discussions. Les soldats ivoiriens seront-ils prochainement libérés, même si le mystère de la disparition des dizaines de millions d’euros demeure ?