Nadhem Chakri, président de l’Association tunisienne des Pharmaciens, revient sur les pénuries de médicaments en Tunisie. Près de 700 médicaments manqueraient dans les pharmacies du pays.
Grève de la Chambre syndicale des distributeurs de médicaments en gros, pénuries régulières de médicaments, dette abyssale de la Pharmacie centrale… En Tunisie, la crise du médicament n’en finit plus. Le docteur Nadhem Chakri est président de l’Association des Pharmaciens, répond au Journal de l’Afrique et fait un point sur la situation.
Le Journal de l’Afrique : La Chambre syndicale nationale des pharmaciens grossistes-répartiteurs (CSPGR), de l’Union Tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), a annoncé il y a plusieurs jours une suspension de l’activité de distribution de médicaments en Tunisie. Pourquoi ?
Dr. Nadhem Chakri : L’état voulait imposer une retenue à la source dont la valeur est supérieure à la marge bénéficiaire des grossistes-répartiteurs. La conséquence du non-renouvellement de l’attestation d’exonération de la retenue à la source sur les ventes des médicaments en 2022 aurait été terrible pour les grossistes. En cas d’application de cette retenue, ils auraient été tous déficitaires et risqueraient la faillite.
La presse tunisienne affirme que les pharmacies ont des stocks de médicaments pour trois jours au maximum. Cela pose une autre question : les risques de pénuries, qui sont régulières…
On ne peut pas définir un stock dans les officines car il dépend de la demande pour chaque médicament. Le 18 décembre, nous, l’Association des pharmaciens, avons recensé 690 médicaments manquants ou en difficulté d’approvisionnement.
90 % des malades ne trouvent pas de médicaments dans les hôpitaux. Où se situe le problème ?
Il y a un grave problème de mauvaise gouvernance, en plus de la pénurie concernant plusieurs médicaments.
La Pharmacie centrale (PCT) cumule des dettes auprès des laboratoires pharmaceutiques, qui seraient estimées à 750 millions de dinars. Comment résorber cette dette ? Quelle est la solution ?
Il suffit que la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) et les établissements de santé publiques règlent leurs dettes envers la PCT pour qu’elle retrouve une situation financière saine. Sur le moyen terme, il est plus judicieux de mettre une banque publique entre la PCT et ses clients. Cette banque pourrait supporter les défauts de paiements des clients étatiques de la PCT.
Concrètement, quels sont les malades concernés ? Quels médicaments manquent à l’appel en Tunisie ?
Quand on parle de 690 médicaments manquants ou en difficulté d’approvisionnement, ça touche logiquement tous types de maladies et toutes les tranches d’âges.
À qui la faute ? Le gouvernement ? La pharmacie centrale ? Les pharmaciens ?
Les défauts de paiements des clients de la PCT, mais également la mauvaise gouvernance dans le secteur publique.