La Première dame de Sierra-Leone et un ministre accusés de corruption… Petit à petit, la pression monte sur Julius Maada Bio, pourtant baptisé « M. Propre ».
Son image est bien écornée. Depuis début janvier, le président sierra-léonais Julius Maada Bio est plongé dans une crise politique sans précédent. Et son image de « M. Propre », due à sa volonté affichée d’agir contre la corruption, est mise à mal.
Au début de l’années, des correspondances officielles et des relevés bancaires du bureau du président sierra-léonais, publiés par Africanistpress, avaient ouvert la boîte de Pandore. Les frais de voyage et les indemnités journalières du président Julius Maada Bio et de son épouse Fatima Bio durant le seul mois de décembre avaient été révélées, estimées à 520 000 dollars américains. Un record historique dans ce pays, pourtant l’un des plus pauvres du monde. Le chiffre aurait pu ne pas choquer si le chef de l’Etat sierra-léonais n’avait pas tenté de se donner une image de défenseur de l’anticorruption.
Les révélations sur les dépenses quotidiennes du couple présidentiel ont amené les médias locaux à enquêter. Les habitudes du président Bio ont été scrutées, et les journalistes ont alors découvert que d’autres fonctionnaires de l’Etat avaient les mêmes goûts pour le luxe.
Les voyages diplomatiques de plusieurs membres du gouvernement, financés par la Banque de Sierra-Leone (BSL), ont été payés en devises et largement sur-facturés. Sous couvert d’indemnités journalières et d’avances, des milliards de leones ont été déboursés par la banque nationale de l’Etat à l’entourage du président.
Rien que pour la période comprise entre le 26 août et le 30 septembre 2020, le président Bio a retiré, en cumulé, un million de dollars pour des frais de voyage, pour un déplacement au Liban. Les trois-quarts du montant en question ont été dépensés pour affréter un avion privé, le paiement de la facture médicale du président et les indemnités journalières de subsistance de la Première dame, Fatima Bio, et d’autres membres de la délégation. Tout l’argent a été retiré par des proches du président, et seuls 12 000 dollars ont été restitués.
Des fonds qui disparaissent mystérieusement
D’autres relevés ont fuité, ils démontrent l’implication de Fatima Jabbe Bio. Cette dernière a reçu, en deux ans, depuis l’investiture du président, le double des allocations budgétaires habituellement allouées.
Entre le 15 janvier 2021 et le 7 février, Africanistpress a relevé pas moins de trois actes de détournements de fonds publics par la Première dame. Trois millions de dollars ont été retirés en son nom propre. Environ 780 000 dollars ont été dépensés dans du mobilier, des équipements, des billets de voyage et pour l’hébergement d’invités. Enfin, plus de 800 000 dollars, prévus au titre de la campagne de sensibilisation contre le viol « Hands off our Girls », ont mystérieusement disparu.
Dans une interview à la BBC, le 4 février, Mme Bio a nié les accusations de détournements de fonds, mais elle n’a pas daigné expliquer les détails sur ses dépenses, pourtant toutes documentées.
D’autres révélations ont permis de montrer que plus de 3 millions de dollars avaient été dépensées en frais de voyages du Premier ministre. Et les derniers documents bancaires révélés le 7 mars ont pointé du doigt un déficit de 6 millions dans les fonds de pension et de sécurité sociale sierra-léonais.
Le président, Julius Maada Bio, n’a pas réagi à ces accusations. Ses dernières apparitions publiques concernaient la gestion de la crise sanitaire et des voyages diplomatiques dans les pays voisins.