La Conférence de Glasgow de 2021 sur les changements climatiques (COP26) promet d’être bien plus qu’un débat. Pour certains pays du Bassin du Congo, elle sera une opportunité de s’affirmer géopolitiquement.
Le Gabon cherche à vendre 5 milliards de dollars de crédits carbone. La République démocratique du Congo (RDC) vient d’annoncer l’interdiction de l’export des grumes. Le Congo-Brazzaville cherche à raviver le plan régional sur la gestion des eaux et l’exploitation forestière, le Fonds bleu, initié par la Fondation Brazzaville et qui est certainement la vitrine africaine cette année à Glasgow.
Clairement, la COP26, qui débute ce dimanche à Glasgow, porte de grands enjeux environnementaux, économiques et politiques pour les pays du Bassin du Congo.
L’absence du président brésilien Jair Bolsonaro, ainsi que l’incertitude sur les représentations bolivienne et péruvienne dissiperont l’attention portée sur le Bassin amazonien. En cause, les restrictions sanitaires britanniques, incluant sept pays d’Amérique latine sur la liste rouge. A l’inverse, la présence des présidents Félix Tshisekedi, Denis Sassou-Nguesso et Ali Bongo, entre autres, permettra d’avancer sur la situation du Bassin du Congo.
La représentation africaine devra se contenter de la qualité des invités car, comme le relève le chef des négociateurs africains, Tanguy Gahouma, les obstacles administratifs pour l’accès au Royaume-Uni réduiront la taille des délégations africaines.
Afin d’atteindre les objectifs de chaque pays du Bassin du Congo, il faudra sans doute que les pays concernés fassent front face à l’appétit des puissances mondiales qui réussissent, en totale impunité, à s’extirper de leurs engagements environnementaux, en termes de finances comme en termes de projets sur leurs territoires respectifs.
Or, outre l’agnosticisme du contexte environnemental, plusieurs pays africains n’hésitent pas à sacrifier leurs « droits écologiques » sous la pression du FMI. Et, selon les contextes nationaux dans les pays du Bassin du Congo, il ne faudra pas compter sur le soutien international pour l’atteinte d’objectifs.
Sassou N’Guesso en leader de la lutte environnementale
Là est le cœur du problème, car les engagements des trois pays de l’Afrique centrale les plus concernés — la RDC, le Congo et le Gabon — ressemblent à une fuite en avant. Des engagements qui doivent servir la planète avant tout mais qui, trop souvent, servent les intérêts individuels des uns et des autres, et plus particulièrement des ministres en charge de l’Environnement.
Parmi les pays les plus impliqués lors de cette COP26, le Congo-Brazzaville, un pays particulièrement lésé par l’apartheid climatique : avec une très basse émission de CO2 et, à l’inverse, une pression pour financer des plans écologiques supplémentaires, le Congo cherche actuellement à s’assurer de meilleurs termes de négociation avec le FMI quant à la dette souveraine. Brazzaville cherche également à obtenir des aides pour des projets écologiques, de la part de l’Occident.
Alors que la ministre de l’Environnement, Arlette Soudan-Nonault, tente de tirer son épingle du jeu, le chef de l’Etat, Denis Sassou N’Guesso, se déplace personnellement à Glasgow pour la COP26. Il a atterri dans la nuit en Ecosse et compte s’imposer comme le leader de la cause environnementale africaine. Le Congo génère 30 milliards de tonnes de carbone de ses 145 000 kilomètres carrés de tourbières. Le pays devra confirmer sa promesse de réduire ses émissions de CO2 de 48 % d’ici à 2025, sans contrepartie de la part de la communauté internationale.
Afin d’inverser cette tendance, le président congolais s’impose comme le porte-parole des seize pays du Bassin du Congo. Denis Sassou N’Guesso cherchera, au cours de son déplacement, notamment à mobiliser les 8 milliards de dollars promis pour l’exécution des 254 projets environnementaux de la Commission économique pour l‘Afrique (CEA).
Le Gabon fait cavalier (un peu trop) seul
Du côté gabonais, le défi sera, pour le président Ali Bongo, de réussir à récupérer des fonds pour le crédit carbone au nom du Gabon. Le ministre gabonais de la Forêt, Lee White, estime que le pays doit investir des fonds dans l’économie verte. « Nous pouvons continuer à faire de la foresterie, à créer des emplois et à maintenir ce stock de carbone élevé. Mais il y a des coûts à cela et si le carbone peut compléter ce que nous faisons, cela pourrait potentiellement faire une grande différence », estime Lee White.
Jusque là, le Gabon n’a réussi à récupérer que 17 millions de dollars de crédits carbone vendus à la Norvège. Le pays mettra, cette fois, 5 milliards de dollars de crédits carbone en vente, et Ali Bongo se présente tel un VRP à Glasgow, pour chercher à vendre ces crédits lors de la COP26. La somme, conséquente, est égale au tiers du PIB du Gabon, et sera investie, normalement, en projets de développement écologique.
Tout porte à croire que le programme des représentants africains à la COP26 vise à faire exécuter l’article 6 des Accords de Paris. Ces derniers visent à donner un cadre réglementaire à un futur marché carbone entre Etats. Seulement, si chaque pays africain, surtout les représentants du Bassin du Congo, établit son plaidoyer de son côté, il n’y aura que peu de chances de tirer profit dudit article. Or, le Gabon semble rouler pour lui-même et ne pas être intéressé par la cause supranationale qu’est le Bassin du Congo.
La RDC la joue collectif
Les ambitions climatiques, on les retrouve également du côté de la République démocratique du Congo. Le pays représente 60 % des forêts du Bassin du Congo, souvent surnommé « le second poumon du monde ». Les autorités congolaises disent vouloir participer, cette fois, à « une COP pragmatique ». Et contrairement au Gabon, la RDC veut valoriser ses atouts environnementaux en groupe. « Pas question de plaider en solo », affirme la vice-Premier ministre chargée de l’environnement, Eve Bazaiba.
Le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde a, pour sa part, exprimé sa volonté d’attirer plus d’investissements. « C’est très important que l’accompagnement aille dans le sens de sauvegarder ce patrimoine. Lors des dernières éditions de la COP, nous avons eu à signer des lettres d’intentions couvrant la période de 2016–2021 avec un apport des partenaires d’évaluant à 200 millions dollars américains. Aujourd’hui nous voulons plus que ce qui avait été donné pour permettre à nos populations qui contribuent à ce combat de bénéficier de ces joutes mais à côté de ça, que cela puisse servir aussi à la préserve et à l’accroissement de ces potentiels, de cette biodiversité », indique Lukonde.
Afin d’arriver à son objectif, le gouvernement de la RDC ne se contentera pas de la présence de Félix Tshisekedi à la COP26. Eve Bazaiba a déclaré jeudi que le pays avait l’intention d’interdire toutes les exportations de grumes pour réduire les menaces pesant sur sa forêt tropicale humide, un rempart majeur contre le changement climatique.
La forêt tropicale du bassin du Congo, dont 60 % se trouve en RDC, aspire environ 4 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone de l’atmosphère chaque année, selon l’Initiative pour les forêts d’Afrique centrale. La levée du moratoire de 2002 sur les nouvelles concessions d’exploitation forestière, l’année dernière, a provoqué un tollé auprès des groupes environnementaux et des scientifiques.
Plus tôt ce mois-ci, le président Félix Tshisekedi a ordonné un audit de tous les contrats d’exploitation forestière existants dans le but de mettre de l’ordre dans le secteur, mal réglementé. « Nous ne voulons plus de contrats avec des partenaires venus couper sauvagement nos forêts, nous retirerons ce type de contrats », déclare la ministre Bazaiba dont le président, allié à celui du voisin de Brazzaville, espère faire infléchir les Occidentaux.