Alors que la France est brouillée avec le Mali, elle pourrait trouver refuge en Guinée-Conakry, où la junte au pouvoir lui réclame une aide militaire.
Si Alpha Condé n’est plus le président de Guinée-Conakry, la France n’a cependant pas tourné le dos à son alliée de toujours. « La France maintient ses relations avec le régime, en témoigne la cérémonie du 11 novembre à Conakry à laquelle ont participé conjointement militaires guinéens et français. L’histoire a montré que la nature du régime lui importait peu, du moment que ses intérêts étaient protégés », résume l’association Survie, qui déplorait déjà, en décembre dernier, une « relation inégale et toxique » entre l’ex-puissance coloniale et son ancienne colonie, devenue indépendante en octobre 1958.
L’on pouvait pourtant imaginer que, avec le coup d’Etat du 5 septembre 2021, Paris allait tourner le dos aux militaires qui avaient pris le pouvoir. Comme au Mali où, après le putsch d’août 2020, puis celui de mai 2021, les relations ont été très tendues entre Jean-Yves Le Drian, ex-ministre français des Affaires étrangères, et la junte militaire malienne, qui a préféré se tourner vers Moscou.
La Cedeao et la Guinée réconciliées ?
« A la différence du Mali voisin, les relations entre Paris et Conakry n’ont pas véritablement pâti du coup d’Etat », indique aujourd’hui Africa Intelligence, qui explique que Mamadi Doumbouya est plus « francophile » que son homologue malien Assimi Goïta. Le président de la Transition guinéenne aurait en effet « sollicité l’appui de la France pour sécuriser la frontière malo-guinéenne », à en croire la lettre professionnelle.
Pour séduire Paris, Conakry a avant tout dû accepter les conditions de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui voulait une transition plus rapide qu’initialement prévu. Or, Umaro Sissoco Embaló, nouveau président de l’instance sous-régionale, a assuré à Emmanuel Macron avoir « été à Conakry avec le président de la commission de la Cedeao pour faire comprendre à la junte militaire la décision du sommet des chefs d’Etat que la transition ne peut pas dépasser les 24 mois. Eux avaient proposé 36 mois. On a réussi à les convaincre… » Ce que Conakry a rapidement démenti.
Si la durée de la transition est réduite, reste désormais un autre problème à régler : de nombreux caciques de l’Ancien régime d’Alpha Condé sont aujourd’hui sous les verrous. Or, « si Paris se montre disposée à accepter » la requête guinéenne, « elle reste attentive à la situation des droits de l’homme dans le pays », poursuit Africa Intelligence.
Doumbouya, un vieil ami de la France
En Guinée-Conakry, la situation des droits humains reste précaire : outre les détentions de cadres de l’ancien pouvoir, les militaires sont entrés en conflit avec le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), ces civils qui, entre 2019 et 2021, ont réclamé le départ de Condé et espéré un coup d’Etat. La junte guinéenne a arrêté plusieurs responsables du FNDC et tente d’interdire le mouvement.
Mais est-ce vraiment un problème pour Paris ? La France a perdu de sa superbe en Afrique, notamment après le coup d’Etat malien et après les demandes d’adhésion au Commonwealth du Togo et du Gabon. Elle n’a donc d’autre choix que de trouver des partenaires sur le continent. Et Mamadi Doumbouya a le profil idéal : il est marié à une officière de gendarmerie française et a effectué des études militaires en France, où il a fait carrière dans la légion étrangère.