Ce samedi, en plein vote pour la présidentielle gabonaise, la connexion à internet pourrait être suspendue dans tous le pays. Comme ce fut le cas en 2016.
C’est une habitude à Libreville : le pouvoir gabonais est habitué, lorsqu’il est chahuté, à couper internet. En 2016, alors que Jean Ping contestait la victoire à Ali Bongo, l’accès à internet avait été coupé. Et lorsque celui-ci avait été rétabli, il restait perturbé et les réseaux sociaux étaient longtemps restés inaccessibles. Le gouvernement d’alors n’avait pas communiqué officiellement sur ces coupures, certaines sources proches du pouvoir indiquant simplement vouloir lutter contre « la propagation de rumeurs et l’organisation des pilleurs sur ces réseaux ».
Au Gabon, comme dans d’autres pays dirigés par des présidents autoritaires, « débrancher Internet » est devenu « le réflexe de l’autocrate » écrivait, à l’époque, Libération. À Libreville, autant qu’ailleurs, appuyer sur le bouton off était alors d’une simplicité enfantine : « Le critère, c’est le nombre d’opérateurs qui ont une connectivité internationale, c’est-à-dire qui sont reliés à un câble sous-marin (…). Les pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale n’en ont souvent qu’un. Il suffit alors au gouvernement d’exiger de cet opérateur qu’il ferme le robinet », résumait alors Stéphane Bortzmeyer, ingénieur réseau.
Conséquence : le Gabon fait partie des pays ayant le plus coupé internet ces dix dernières années. Une habitude illégale, au regard du droit international : de « nombreuses coupures Internet opérées par les gouvernements » constituent, selon le mouvement Tournons la page, « des violations du droit international ». Depuis 2014, Libreville a coupé internet pendant 34 jours. Seuls le Tchad, le Cameroun et la RDC font pire. Outre la présidentielle de 2016, le pouvoir a coupé internet en janvier 2019, après une tentative de coup d’État. Selon plusieurs sources bien informées, l’accès à internet pourrait être également fortement perturbé dès samedi.
Une décision qui serait une atteinte « à la liberté d’expression et à l’accès à l’information », selon le Rapporteur spécial de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique qui, en janvier 2019, affirmaient que « les citoyens ne devraient pas être pénalisés par des coupures lorsqu’ils manifestent en appelant à des réformes politiques et économiques ou à l’occasion de processus ou scrutins électoraux contestés ».
Car c’est bien de cela dont il s’agit : couper court à toute contestation au moment de voter. Sans connexion à internet, impossible de connaître les bureaux de vote dans lesquels des problèmes ont eu lieu. Les coupures d’internet « mettent tout simplement un rideau devant le contenu », résume Tournons la page.