Le député sénégalais Ousmane Sonko a fait l’objet d’une plainte pour viol et menaces de mort. Une employée d’un salon de beauté a dénoncé les faits début février. Vendredi, l’Assemblée nationale a levé son immunité.
Ousmane Sonko, le député du parti politique d’opposition Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) a été accusé de viol le 6 février par une jeune masseuse. Cette dernière a déposé plainte pour « viols et menaces de mort » contre le député devant le commandant de la brigade de recherches de la gendarmerie de Colobane, à Dakar.
Sonko a clamé son innocence et accusé le pouvoir sénégalais d’avoir « fomenté un complot politique ». L’élu estimé avoir été « diffamé, calomnié et persécuté ».
L’immunité de Sonko levée
Entré dans la vie politique en 2014, l’ancien inspecteur des impôts a été élu député en 2017. Sonko est connu pour ses discours véhéments et sa verve digne des meilleurs orateurs. Si on en croit sa déclaration, Sonko souffrait de maux de dos et allait régulièrement soulager ses douleurs dans un salon de massage de Dakar. L’élu affirme que « deux personnes étaient toujours présentes » lors de ses séances.
Confronté à la question de son choix d’un salon de beauté au lieu d’un institut de kinésithérapie, Sonko a refusé de répondre. La plaignante indique à la police que l’homme politique « exige toujours des faveurs sexuelles » à la fin des séances de massage et que celui-ci l’a menacée avec une de ses armes.
La peine encourue par Ousmane Sonko est importante : l’opposant sénégalais, s’il est jugé coupable, risque entre dix et quinze ans d’emprisonnement.
Le député qualifie l’accusation de viol de « tentative de liquidation politique ». Car en cas de jugement en sa défaveur, cela en sera certainement terminé pour ses ambitions politiques, Sonko se préparant pour la présidentielle de 2024.
Son immunité levée, alors qu’il s’était dit prêt à coopérer avec les autorités judiciaires de son pays, Sonko a finalement prévenu, jeudi dernier, qu’il ne parlerait pas aux enquêteurs, invoquant des irrégularités de procédure dans la levée de son immunité.
Les partisans de Sonko crient au complot
Depuis le 7 février, les militants d’Ousmane Sonko ont organisé une campagne de diffamation contre Adji Sarr. La jeune femme a due être placée sous la protection des forces de l’ordre. Le 15 février, après une violente manifestation, plusieurs militants du Pestef ont été arrêtés. Neuf jours plus tard, la police a une nouvelle fois dû intervenir après des émeutes.
Après la levée de son immunité, Ousmane Sonko a une nouvelle fois accusé le président Macky Sall. Ce dernier a refusé de s’épancher sur le sujet : « Je crois que j’ai suffisamment à faire que de comploter pour des choses aussi basses », a-t-il indiqué à RFI.
En réponse au président sénégalais, Sonko s’est laissé aller à une sortie dont lui seul à le secret : les erreurs dans le dossier judiciaire, dit-il, devraient « suffire au classement de ce dossier grossier et au déclenchement d’une procédure en destitution contre lui, comme ce fut le cas pour le Président Nixon avec l’affaire du WaterGate ». Rien que ça.
En attendant, malgré les protestations de l’opposition, Sonko doit s’expliquer devant un juge dès mercredi. Et si le collectif militant Y’en a marre assure que « le régime profite d’une affaire de mœurs pour s’accrocher au pouvoir et éliminer un opposant », il semble balayer d’un revers de la main la parole de la plaignante.
Un collectif de défense des femmes dénonce d’ailleurs le glissement de cette affaire sur le terrain politique et « la diffusion de la culture du viol et le non-respect de la vie privée de la plaignante qui est lynchée dans les médias et sur les réseaux sociaux ». Il demande « l’accès à une justice équitable ». En 2018, si Amnesty International estimait que le Sénégal disposait d’une « justice qui manque d’indépendance », les indicateurs sont plutôt positifs : dans son rapport 2020 de l’Indice de droit, le World Justice Project classe le Sénégal à la 7e place sur 31 pays d’Afrique subsaharienne.