A un mois de l’élection présidentielle, le président tchadien Idriss Déby tente de museler l’opposition. Avec l’accord tacite de la France.
Le dimanche 11 avril, le Tchad votera pour son président. Le suspense risque bien de ne pas être au rendez-vous : candidat à un sixième mandat, le maréchal Idriss Déby devrait proclamer sa victoire dans les jours qui suivront le scrutin. Cependant, à quelques semaines du vote, le pays connaît un regain de tension qui inquiète. Entre musellement de l’opposition et violences, le régime doit faire avec une contestation de plus en plus forte.
Mais en se rendant indispensable au sein du G5 Sahel, le maréchal Idriss Déby s’est octroyé le soutien automatique de l’Occident. En février, le président tchadien a en effet annoncé l’envoi de 1 200 soldats dans la zone des « Trois frontières », entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Un marché simple : en donnant un coup de main à la lutte contre les terroristes, Déby veut rester maître en son pays.
Des opposants au bord de la crise de nerfs
Peu de chances, donc, que les exactions du régime en place soient condamnées par les alliés du Tchad. Le week-end dernier, le domicile d’un candidat au scrutin du 11 avril a été investi par les forces de l’ordre. Ancien allié de Déby, Yaya Dillo a osé critiquer la fondation de la première Dame et a été accusé de « diffamation et injures ». Un crime de lèse-majesté qui a provoqué la foudre du président tchadien. Conséquence : cinq morts, dont la mère et le fils du candidat. Pour faire passer cet épisode meurtrier, le gouvernement a indiqué que Dillo était à la tête d’une rébellion armée.
Marqué par les violences, un autre candidat s’est, lui, retiré de la course au palais présidentiel. Saleh Kebzabo, président de l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR) et député, s’était présenté à plusieurs présidentielles. Chef de file de l’opposition, Kebzabo dénonce une « mascarade électorale » et ne fera donc pas campagne. Il déplore « le climat d’insécurité qui entachera certainement la campagne électorale pour les candidats qui vont affronter celui du Mouvement patriotique du salut (MPS) » d’Idriss Déby qui a, selon lui, « confisqué la souveraineté » du peuple tchadien.
Face au recours à la violence, la France fait la sourde oreille
Des manifestations ont également été réprimées. Au moment où Déby était investi par son parti, une « marche du peuple », organisée par des partis d’opposition et des organisations de la société civile, a eu lieu à N’Djamena. Alors qu’ils réclamaient le départ d’Idriss Déby, les manifestants ont été pris à partie par la police. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a déploré « le recours à la violence » et demandé au président tchadien de « favoriser un dialogue politique ».
La communauté internationale ne fera certainement pas plus qu’envoyer quelques timides rappels à l’ordre au président Déby. Contre son soutien à l’opération Barkhane et l’envoi d’hommes dans la zone des « Trois frontières », le maréchal s’est d’ores et déjà attiré la sympathie de ses alliés, notamment européens. Une façon de s’acheter sa tranquillité. Après avoir tué dans l’œuf l’opposition, Idriss Déby pourra présider le pays pendant un mandat supplémentaire sans risque d’être tancé par la communauté international.
Un collectif d’opposants tchadiens et de membres de la société civile dénonçait l’impunité de Déby, en août dernier. « La France continue de donner carte blanche au Tchadien Idriss Déby Itno », écrivait le collectif, qui s’étonne que le maréchal ait pu rester au pouvoir « depuis trente années, contre la volonté du peuple et avec la bénédiction militaire française ». L’opposition prie pour que « le peuple arrive à braver la milice prétorienne de Déby et à instaurer un nouvel ordre politique ». Elle sait que, pour cela, elle ne pourra compter que sur elle-même.