Dimanche 13 juillet 2025, Muhammadu Buhari, ancien chef militaire puis président de la République fédérale du Nigeria, est décédé à 82 ans dans une clinique de Londres après une longue maladie.
Deux fois à la tête de la première puissance africaine, il laisse une trace indélébile : celle d’un dirigeant rigoureux, réputé incorruptible, mais aussi décrié pour sa gestion économique hésitante et ses lacunes en matière de sécurité intérieure.
Une trajectoire atypique : du régime militaire à la démocratie
Muhammadu Buhari a débuté sa trajectoire politique comme homme fort du Nigeria. Féroce et austère, il renverse le président Shehu Shagari en 1983, puis dirige le pays comme chef de la junte militaire jusqu’en 1985, promulguant une “guerre contre l’indiscipline” marquée par un strict contrôle social. Reconverti en démocrate, il devient en 2015 le premier président nigérian élu à défaire un président sortant (Goodluck Jonathan). Réélu en 2019, il influence profondément le destin du pays durant deux mandats successifs.
Sous son administration civile, Buhari fait de la lutte contre la corruption sa priorité. Il instaure le système Treasury Single Account, centralisant les finances publiques, générant des économies estimées à plus de 5 000 milliards de nairas en deux ans. La Commission des crimes économiques et financiers (EFCC) siège avec zèle, menant des centaines de poursuites, notamment contre des anciens ministres et juges. Si son action est saluée pour son impact symbolique, elle est également critiquée pour sa sélectivité, ciblant principalement l’opposition .
Boko Haram : un défi partiellement maîtrisé
En 2015, Buhari parvient à contenir, mais pas éradiquer, l’insurrection de Boko Haram. Sous son mandat militaire, il avait déjà échappé à une tentative d’assassinat par le groupe. En tant que président, il maintient l’effort militaire dans le nord-est, freinant l’expansion de l’organisation. Toutefois, des attaques sporadiques continuent, provoquant des milliers de victimes et dévoilant les limites de sa stratégie sécuritaire .
Sur le plan économique, le bilan est contrasté. Buhari hérite de la chute des prix du pétrole en 2016 ; la croissance se replie en récession, le naira flambe, et le chômage dépasse les 20 %. Malgré une reprise modérée ensuite, les réformes tardent à générer une diversification de l’économie . Le manque de réforme structurelle dans l’agriculture ou l’industrie laisse transparaître un modèle économique fragile, dépendant des hydrocarbures et des prêts internationaux.
Muhammadu Buhari restera l’un des présidents les plus emblématiques du Nigeria postcolonial : soldat devenu démocrate, symbole de rigueur et défenseur de la lutte anticorruption, mais aussi dirigeant dépassé par les urgences économiques et sécuritaires de son époque. Son décès, annoncé dans la foulée d’un retour aux soins à Londres, marque la fin d’un chapitre dans l’histoire politique du Nigeria. Président Bola Tinubu a proclamé une semaine de deuil national, les drapeaux en berne, et organise ses funérailles aujourd’hui à Daura, la ville natale de Buhari. Au-delà des polémiques et des critiques, l’héritage de Buhari nourrira durant des années le débat national sur la gouvernance, la moralisation de l’État et la sécurité de la première puissance africaine.