Kaïs Saïed continue de fustiger le FMI, qui pourrait bien mettre fin aux négociations avec la Tunisie. Explications.
La Tunisie va-t-elle entrer dans le club très fermé des pays se voyant refuser un prêt par le Fonds monétaire international (FMI) ? Avant elle, le Venezuela ou l’Autorité palestinienne ont déjà subi des refus de la part de l’institution de Bretton Woods, contrairement à des rumeurs indiquant, sur les réseaux sociaux, que la Tunisie pourrait devenir le premier pays à être recalé par le FMI.
Voilà des mois que le président tunisien, Kaïs Saïed, a entamé un bras de fer avec le FMI. Le président Kaïs Saïed avait, en juin, rejeté les « diktats » du FMI, qui exigeait que le gouvernement tunisien baisse les subventions sur les produits de base — carburants, farine et sucre, entre autres, financés par la Caisse de compensation — et réforme certaines de ses sociétés publiques. Saïed, lui, préférait réfléchir à une alternative consistant à taxer les plus riches.
« Malédiction antique »
Deux mois auparavant, le plan de sauvetage — accepté en octobre et qui prévoyait près de 2 milliards de dollars pour la Tunisie — avait une première fois été mis en pause. « Les diktats du FMI sont inacceptables », affirmait déjà Kaïs Saïed, qui estimaient alors que « les injonctions » du FMI « qui conduisent à plus de pauvreté seront rejetées ». Le président tunisien était alors certain que les autorités tunisiennes ne pouvaient compter « que sur elles-mêmes ».
Et le ton est encore monté ces derniers jours. Le 23 juillet dernier, parlant du FMI lors du sommet international sur les migrations à Rome, le président tunisien avait parlé d’une « malédiction antique » pesant sur le Fonds, appelant à demi-mots à la dissolution du FMI. Il faut, ajoutait-il, « créer une nouvelle institution financière mondiale » qui permettra d’« établir un nouvel ordre humain où l’espoir remplace le désespoir ».
Une sortie offensive à l’encontre du FMI. Mais en réalité, en coulisse, le dossier est bloqué depuis bien longtemps. Il y a un peu plus de trois mois, le directeur du département régional du FMI, Jihad Azour — qui a mis entre parenthèses ses fonctions, depuis —, avait affirmé que le Fonds n’avait reçu « aucune demande de Tunis pour la révision de son programme ». Autrement dit, Tunis ne tentait aucunement de proposer une alternative aux exigences du FMI.
Vers une fin officielle des négociations ?
Le prêt semble donc de plus en plus compromis. À l’AFP, Aram Belhadj, enseignant chercheur à l’Université de Carthage, estime que, « si d’ici fin août, il n’y a pas de clarification de la position de la Tunisie, l’accord avec le FMI sera enterré une fois pour toutes ». Un blocage dû au fait que les deux parties campent sur leurs positions. En refusant de proposer un plan B concernant d’éventuelles réformes, Tunis a automatiquement mis fin aux négociations.
Le FMI pourrait donc annoncer l’arrêt définitif des discussions dans les semaines à venir. Pour Kaïs Saïed, il n’est pas question de lâcher du lest : cela permet de garder son cap politique et de conserver son discours de non alignement. Mais pour éviter que le déficit ne se creuse et que la crise touche encore plus durement les Tunisiens, il lui faudra trouver des solutions. Et ça, c’est une autre histoire.