Le nouveau président de la Cedeao, Bola Tinubu, a une nouvelle fois fustigé les coups d’État militaires, sans condamner les violations de Constitutions opérées par certains présidents ouest-africains.
2014 au Burkina Faso. Alors que l’article 37 de la Constitution du pays indique que le président du Burkina Faso « est rééligible une fois », Compaoré tente de se présenter à nouveau, quitte à remettre en cause la disposition constitutionnelle relative au mandat présidentiel. Alors que le lieutenant-colonel Zida a pris le pouvoir, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) rappelle que « des élections étaient prévues » en 2015 et propose de s’en tenir au calendrier. Une façon de soutenir Compaoré et de fustiger les militaires.
Pour la Cedeao, pas question de soutenir les régimes militaires au pouvoir. Depuis 2021, le Burkina Faso, le Mali et la Guinée ont été exclus de l’organisation régionale, qui leur reproche des coups d’État militaires et menace de ne pas réintégrer ses pays si les transitions durent trop longtemps. La Cedeao se calque ainsi sur la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance qui, dans son article 23, condamne « tout putsch ou coup d’État contre un gouvernement démocratiquement élu ».
Tout juste désigné président de la Cedeao, le président du Nigeria, Bola Tinubu, a redit que la démocratie était, pour les pays ouest-africains, « la meilleure forme de gouvernement » et affirmé : « Nous ne permettrons pas qu’il y ait coup d’État après coup d’État en Afrique de l’Ouest ». Une référence à peine masquée aux trois membres de la Cedeao qui ont subi cinq coups d’État depuis trois ans.
La démocratie façon Cedeao
Mais alors, que dire des pays membres dont les présidents en exercice ont violé leur Constitution pour se faire réélire ? Parmi les pays membres de la Cedeao, on compte notamment la Côte d’Ivoire et le Togo. Or, l’instance n’a pas sanctionné Alassane Ouattara au moment où il a débuté son troisième mandat, pourtant anticonstitutionnel. Pas plus qu’Eyadéma Gnassingbé qui, en 2002, a modifié la Constitution togolaise de 1992 qui limitait les mandats présidentiels à deux. Patrice Talon, lui, avait promis de ne pas se représenter et a failli à sa parole.
Certes, Umaro Sissoco Embaló, président de la Cedeao jusqu’au mois dernier, aurait pu modifier profondément l’ADN de l’instance. Opposé aux troisièmes mandats et partisan de limiter l’âge des candidats aux présidentielles à 80 ans, le président bissau-guinéen a, lorsqu’il était à la tête de la Cedeao, mis de l’eau dans son vin.
Conséquence : la Cedeao protège toujours les « présidents à vie » et est devenu, au fil des années, un « syndicat des chefs d’État ». Si, il y a deux ans, elle avait promis de « renforcer la démocratie et la bonne gouvernance dans la région » et se disait « préoccupée face aux cas de violation de l’ordre constitutionnel dans la région, notamment par le biais des coups d’État militaires », la Cedeao semble uniquement préoccupée par les putsches, préférant laisser les présidents ouest-africains s’arranger comme ils le souhaitent avec leurs constitutions respectives.