Plusieurs pays africains sanctionnent lourdement les opérateurs de téléphonie mobile et d’internet à cause de leurs défaillances. Ces opérateurs ont-ils des services trop bas par rapport aux attentes des consommateurs ?
Sur tout le continent africain, difficile de trouver un opérateur mobile ou internet qui ferait l’unanimité. Les consommateurs reprochent à ces derniers une mauvaise qualité de services. Mais qu’en est-il dans les faits ? Selon une étude annuelle publiée par le Portulans Institute et Sterlite Technologies Limited, la qualité du réseau de télécommunications en Afrique est effectivement en-dessous de la moyenne mondiale. Avec, cependant, quelques disparités : si quelques pays tirent leur épingle du jeu — Maurice, l’Afrique du Sud, le Kenya, le Ghana ou encore le Maroc —, une quarantaine d’entre eux sont enfoncés dans les abîmes des classements de la qualité des réseaux télécoms dans le monde.
De quoi exaspérer les consommateurs, qui paient leurs communications ou leur data à prix d’or. Au Togo, les autorités gouvernementales ont décidé de mettre les opérateurs au pied du mur : l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a décidé de sanctionner les opérateurs qui ne proposeraient pas des services correspondant à leurs cahiers des charges. À l’été 2022, le ministère de l’Économie numérique a, par arrêté, imposé aux opérateurs seize indicateurs de qualité à respecter, parmi lesquels la vitesse de téléchargement ou la couverture du réseau. Or, selon l’Arcep, les opérateurs sont aujourd’hui loin de couvrir 100 % de ces indicateurs.
Des sanctions au Togo et au Sénégal
Conséquence : l’autorité de régulation a décidé de mettre ces opérateurs face à leurs responsabilités. Depuis la création de l’Arcep, sept procédures ont été engagées en vue de sanctionner les entreprises de télécoms. Trois mises en demeure ont été prononcées et, surtout, l’Arcep a touché les opérateurs directement au porte-monnaie en leur infligeant des amendes conséquentes, pour certaines allant jusqu’à 2,4 milliards de francs CFA, soit plus de 3 millions d’euros. De quoi faire, enfin, prendre conscience aux opérateurs qu’ils ont un service à améliorer.
Une enquête relayée par Jeune Afrique montre d’ailleurs que les consommateurs togolais estiment que la moitié, voire les deux-tiers pour certains opérateurs, des clients reprochent à leurs fournisseurs des manquements en termes de qualité de services. Sans compter sur les coupures ou les prix trop élevés.
Le Togo n’est pas le seul pays à s’opposer à ses opérateurs. Depuis fin 2021, le Sénégal a engagé un bras de fer avec ses sociétés de télécoms. L’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) a sanctionné trois opérateurs, l’an dernier, — Sonatel, Free Sénégal et Expresso Sénégal —avec un total d’amendes s’élevant à plus de 30 millions d’euros. L’ARTP reproche à ces derniers la mauvaise qualité de leurs services.
Des amendes qui ne servent à rien ?
Mais du côté des opérateurs, on botte parfois en touche et l’on préfère accuser les autorités. Deux ONG, GSMA et l’Alliance pour un internet abordable, soutiennent les opérateurs africains et multiplient les études pour dénoncer les amendes imposées par les États. Dans l’une d’elles, les associations estiment effectivement qu’il faut atteindre des niveaux de qualité de service élevés. Mais elles dénoncent des « objectifs complexes et disproportionnés », mais également « un manque de normalisation technique et de collaboration ou de consultation de l’industrie ».
Alors que faire, si les sanctions contre les opérateurs sont si contre-productives ? Le Tchad a peut-être trouvé la réponse. En 2020, le gouvernement avait voulu sanctionner Tigo et Airtel. Il avait effectivement lourdement sanctionné les deux opérateurs en leur infligeant des amendes cumulées de 8 milliards de francs CFA. Une somme qui a été réinvestie dans le réseau, pour améliorer sa couverture et sa qualité.