Dans un sondage OpinionWay pour Le Journal de l’Afrique, les populations de plusieurs pays africains donnent leur sentiment concernant les actions de leurs gouvernements respectifs face au risque de crise alimentaire.
L’Afrique est-elle au bord de la plus grave crise alimentaire de son histoire ? Selon Oxfam, « l’Afrique de l’Ouest connaît sa pire crise alimentaire depuis une décennie, avec environ 30 millions de personnes qui souffrent de la faim ». Le dérèglement climatique, mais également la hausse des prix du carburant et la pénurie d’engrais, conséquences de la guerre en Ukraine, laissent présager le pire.
Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), les pays africains sont menacés par « la pire crise alimentaire et nutritionnelle depuis dix ans ». Et si l’Afrique de l’Ouest est particulièrement scrutée, plusieurs pays doivent faire face à des inflations grandissantes, allant de +15 % à +30 %, au Burkina Faso, en Sierra Leone, au Nigeria ou encore au Ghana. Une situation « en train de devenir incontrôlable », selon le PAM, qui prévient que rien qu’au Sahel, près de 8 millions d’enfants de moins de 5 ans pourraient souffrir de « malnutrition sévère ».
Si l’Organisation des Nations unies (ONU) préconise, pour éviter le pire, de « garantir un flux régulier de denrées alimentaires et d’énergie sur les marchés ouverts en levant toutes les restrictions inutiles à l’exportation, d’affecter les excédents et les réserver à ceux qui en ont besoin et de contrôler les prix des denrées alimentaires pour calmer la volatilité des marchés », les gouvernements ont bien du mal à endiguer la crise.
Le gouvernement ivoirien rassure
Mais comment les populations vivent-elles cette situation ? Du Sénégal à la Sierra Leone, en passant par la Côte d’Ivoire, le Botswana, la République démocratique du Congo (RDC) et le Burkina Faso, OpinionWay* a interrogé pour Le Journal de l’Afrique les populations de six pays pour connaître leur degré de confiance par rapport aux actions entreprises par leurs gouvernements respectifs face au risque de crise alimentaire.
Conclusion : les Ivoiriens sont les plus confiants vis-à-vis de leur gouvernement. Ils sont en effet 61 % à avoir confiance en l’action du gouvernement. Si elles sont 18 % des personnes interrogées à avoir « tout à fait confiance » en leur gouvernement, 43 % ont « plutôt confiance ».
Il faut dire que la communication gouvernementale est rassurante : la Côte d’Ivoire a enregistré un taux d’inflation estimé à 4,1 %, bien plus faible que chez ses voisins. Surtout, le gouvernement ivoirien a fixé les prix des produits de première nécessité, comme le pain ou l’huile, et plafonné les tarifs des loyers. Le gouvernement de Côte d’Ivoire a également déboursé 6 milliards de francs CFA par mois en subventions, selon Amadou Coulibaly, ministre ivoirien de la Communication.
En Sierra-Leone, la confiance est de mise
Le gouvernement sierra-léonais donne lui aussi majoritairement satisfactions aux populations. Selon le sondage OpinionWay pour Le Journal de l’Afrique, 58 % des personnes interrogées font en effet confiance à leurs dirigeants face au risque de crise alimentaire.
Selon les organisations internationales, 1,3 million de personnes sont en insécurité alimentaire aiguë dans ce pays. Mais un don de 2 millions de dollars du Fonds africain de développement a été annoncé, il doit permettre de décupler la production alimentaire locale. A l’horizon 2023, le gouvernement annonce vouloir distribuer 1 675 tonnes de semences et 1 000 tonnes d’engrais subventionnés aux agriculteurs sierra-léonais, mais également distribuer près de 6 000 tonnes de riz supplémentaires.
Le gouvernement sénégalais en pleine crise de confiance
Mais la Côte d’Ivoire et la Sierra Leone semblent être des exceptions. Les populations de plusieurs pays africains sont en effet plus sceptiques. « La confiance des Africains dans leur gouvernement pour faire face à un risque de crise alimentaire est disparate, explique Bruno Jeanbart, vice-président d’OpinionWay au Journal de l’Afrique. Elle se révèle mitigée dans quatre des pays interrogés : Sénégal 49%, Botswana et RDC 50% et Burkina Faso 54%. Elle est en revanche élevée en Côte d’Ivoire (61%) ou en Sierra Leone (58 %) ».
Le Sénégal est en effet le pays dans lequel les populations sont les moins confiantes vis-à-vis de leur gouvernement.
En pleine crise politique, Macky Sall doit faire face à la défiance des Sénégalais. Pourtant, le pays a mis en place, en 2020, un « Plan d’urgence sécurité alimentaire » qui a pour objectif de « contribuer à bâtir, avec la communauté des acteurs impliqués dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, une réponse rapide, vigoureuse et efficace, à la mesure du triple enjeu sanitaire, alimentaire et social auquel le pays fait face ».
Notamment à cause de la Covid-19 et du conflit en Ukraine, le Sénégal a enregistré une inflation de près de 9 %. Et alors que les prix des denrées alimentaires — huile, riz, oignons, entre autres — ont doublé, le gouvernement a dressé un bilan plutôt positif lors de la campagne des dernières législatives : augmentation des salaires des fonctionnaires, distribution de 80 000 francs CFA à un demi-millions de familles jugées en situation de vulnérabilité ou encore revalorisation des pensions de retraite. Exceptionnellement, le gouvernement a également baissé des taxes et les droits de douane sur le blé et les hydrocarbures.
Les jeunes sceptiques vis-à-vis de leurs gouvernants
Les gouvernements de République démocratique du Congo et du Botswana ne sont pas beaucoup mieux lotis que celui du Sénégal. 50 % des personnes interrogées dans ces deux pays se disent confiantes quant aux actions de leurs gouvernements respectifs.
Avec, chez les personnes interrogées, des disparités importantes. « Dans le détail, il convient de souligner que la confiance dans le gouvernement pour faire face à une crise alimentaire est systématiquement plus faible auprès des plus jeunes (moins de 25 ans) et toujours nettement supérieure à la moyenne au-delà de 40 ans », indique Bruno Jeanbart. Une donnée qui montre que le fossé entre les jeunes électeurs et leurs gouvernants se creuse.
* Echantillon représentatif de la population âgée de 18 ans et plus de chaque pays, 1 450 interviews en Côte d’Ivoire, 1 741 interviews en République Démocratique du Congo, 1 466 interviews en Sierra Leone, 1 400 interviews au Burkina Faso, 1 320 interviews au Botswana et 1 317 interviews au Sénégal.