Alors que le Ghana a vu sa note dégradée par les agences de notation, le rôle de ces dernières pose question. Moody’s, Fitch et S&P sont-elles trop dures avec les pays africains ?
Les agences de notation n’ont pas épargné le Ghana. Au moment de voir sa dette souveraine qualifiée, par trois agences de notation, de « spéculative », le gouvernement craint le pire. Le ministre ghanéen des Finances s’est d’ailleurs dit « déçu par la décision de S&P (l’une de ces trois agences, avec Moody’s et Fitch Ratings, ndlr) de dégrader la note du Ghana malgré les politiques audacieuses mises en œuvre en 2022 pour relever les défis macroéconomiques et assurer la viabilité de la dette, considérablement exacerbés par l’impact de ces chocs externes mondiaux sur l’économie ».
Sans pour autant se ranger du côté du gouvernement ghanéen, la sévérité des agences de notation pose question. On a l’impression, depuis plusieurs années, que ces mêmes agences s’acharnent contre les pays africains. « Très peu de pays émetteurs de la région ont manqué à leur obligation de remboursement, mais ils sont toujours jugés spéculatifs par les agences de notation, ce qui rend leur accès aux marchés internationaux de capitaux plus difficile et surtout plus cher », résume l’agence Ecofin, ce jeudi, qui ne manque pas de déplorer « l’étrange sévérité » des agences de notation.
Des agences qui tirent sur les ambulances ?
Est-ce une simple impression ou une réalité ? Les agences de notations ne sont pas vraiment populaires. Mais elles l’ont peut-être un peu cherché… En 2011, trois économistes du Fonds monétaire international (FMI) avaient étudié l’influence des dégradations de notation des dettes souveraines sur l’environnement économique et financier. Ils en avaient conclu que les agences encourageaient l’instabilité financière. Christine Lagarde, la patronne du FMI à l’époque, évoquait d’ailleurs la possibilité d’encadrer un peu plus les agences de notation.
D’autant que, de façon volontaire ou non, les dégradations de notes par les agences amènent les pays à solliciter l’aide… du FMI. Alors que le Ghana espérait être moins dépendant de l’institution de Bretton Woods, il va désormais devoir négocier avec elle. Ce qui implique, forcément, une ingérence dans la politique nationale de la part du FMI, qui aura son mot à dire sur le poids de la fonction publique dans les finances du Ghana.
Pour le spécialiste de la finance Michel Gabrysiak, Moody’s, S&P et Fitch n’hésitent pas à « tirer sur des ambulances », comme lorsqu’elles ont dégradé la dette grecque. « On dirait que les agences, non seulement, acceptent mais éprouvent une sorte de jouissance à être critiquées par tout le monde. Après tout, c’est une forme de publicité comme une autre », résume-t-il.
Au-delà des agences elles-mêmes, le spécialiste se pose la question de la complaisance des institutions financières avec ces agences. Pendant des décennies, rappelle-t-il, « gouvernements, banques, organismes de crédit, agences de surveillance, ont par facilité adopté les critères de classement des agences de notation, pour ne pas avoir à prendre eux mêmes la responsabilité finale de leurs actes d’investissement à l’égard de leurs citoyens ou de leurs clients ».
Vers la création d’une agence africaine ?
En Afrique, la fin du diktat des agences de notation pourrait passer par la création d’une agence continentale. Macky Sall, président de l’Union africaine, estime que l’exagération des évaluations du risque d’investissement en Afrique par les agences existantes justifie cela. « En 2020, alors que toutes les économies subissaient les effets de la Covid-19, 18 des 32 pays africains notés par au moins une des grandes agences d’évaluation ont vu leur notation dégradée. Ceci représente 56 % de notations dégradées pour les pays africains contre une moyenne mondiale de 31 % pendant la période », déplore le Sénégalais.
C’est désormais aux gouvernants africains de faire le travail. Car les agences de notation ont certainement plus de pouvoir qu’elles ne devraient en avoir… « Des études ont montré qu’au moins 20 % des critères de notation des pays africains relèvent de facteurs plutôt subjectifs d’ordre culturel ou linguistique, sans lien avec les paramètres qui jaugent la stabilité d’une économie », résume Macky Sall.
Et le plus grave, indique le patron de l’UA, c’est que « la perception du risque d’investissement en Afrique reste toujours plus élevée que le risque réel. Nous nous retrouvons ainsi à payer plus qu’il ne faut des primes d’assurance, ce qui renchérit le crédit accordé à nos pays ».