Favori de la présidentielle kényane, l’opposant Raila Amolo Odinga attend son heure. Face à lui, le vice-président William Ruto espère déjouer les pronostics.
« J’accepterai le résultat de l’élection, quel qu’il soit ». En mars dernier, le vice-président du Kenya, William Ruto, montrait que le scrutin présidentiel, qui aura lieu ce mardi 9 août, serait plus qu’incertain. Tout d’abord, parce que le président sortant, Uhuru Kenyatta, n’a pas soutenu comme il aurait initialement dû son numéro 2.
« La personne à qui je remettrai le pouvoir, et vous le connaissez tous, et vous avez mentionné son nom, héritera d’une économie de 13 000 milliards de shillings (soit plus de 110 milliards de dollars, ndlr). Je ne peux pas prendre le risque de passer le relai à quelqu’un qui ne s’occupera pas de cette économie, et je le dis ici sans crainte. Je vais passer la main à cette personne, celle que vous connaissez tous », expliquait Kenyatta lors d’une interview.
De quoi annoncer un scrutin passionnant. William Ruto, ancien allié du dictateur Daniel arap Moi, est à la tête d’une coalition hybride, qui balaie autant à droite qu’à gauche. Face à lui, Raila Amolo Odinga bénéficie donc du soutien du chef de l’Etat actuel. Et si l’élection va passionner les médias, pas sûr qu’il en soit de même chez les votants : seuls 12 % des jeunes Kenyans ayant atteint l’âge de voter entre 2017 et 2022 se sont enregistrés sur les listes électorales.
Raila Odinga reste cependant un vrai phénomène : après trois échecs lors des trois dernières présidentielles kenyanes — en 2007, 2013 et 2017 —, ce serait un événement de le voir prendre les rênes du pays grâce à l’alliance de la carpe et du lapin. L’histoire serait belle : depuis son passage dans les prisons de Daniel Arap Moi jusqu’à la présidence, il y a un gap. D’autant que « RAO » a longtemps contesté la victoire du président sortant, qui le soutient aujourd’hui.
Un second tour possible ?
Mais Kenyatta a relancé, en toute connaissance de cause, son opposant qui était au bord de l’asphyxie. Le tout sur fond de guerre avec son vice-président William Ruto. Ce dernier devait être le successeur légitime de Kenyatta, mais la brouille a eu raison de l’alliance entre les deux hommes. Ruto reproche aujourd’hui à Kenyatta de ne pas avoir su correctement diriger le Kenya. Il vise les populations les plus modestes et n’hésite pas à pratiquer le populisme pour sortir du lot.
Si beaucoup d’argent a été dépensé lors de cette campagne, cela n’a pas élevé le niveau des débats. « RAO » et Ruto ont enchaîné les accusations de corruption. Ils ont évité de se croiser et de trop devoir parler de politique au sens noble du terme. Le premier a même refusé de débattre à la télévision face au second.
Les observateurs sont désormais concentrés sur le vote : du côté de Nyanza, Odinga devrait faire carton plein. Du côté du Rift, Ruto peut compter sur sa base électorale. Les autres régions sont plus incertaines, et l’abstention devrait brouiller un peu plus les estimations.
Autre inconnue : l’après-élection. Des violences post-électorales sont craintes par les observateurs, qui se demandent si le perdant acceptera le verdict des urnes. Enfin, si d’autres candidats sortent leur épingle du jeu, il faudra alors un second tour.