En annonçant clairement soutenir le Maroc au Sahara occidental, l’Espagne de Pedro Sánchez a fâché l’Algérie, qui a décidé de rompre son accord d’amitié avec Madrid.
La presse espagnole est quasi unanime : la diplomatie ibérique a donné « des résultats déstastreux », selon El Confidencial. L’objet du courroux médiatique actuel en Espagne ? Les relations entre Alger et Madrid qui, ces derniers jours, ont atteint un point de non-retour.
Après 20 ans de coopération, l’Algérie a suspendu, ce mercredi, le traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération qui la relie à l’Espagne. En cause, la position de Madrid vis-à-vis du Sahara occidental, qu’Alger juge « injustifiable ». Conséquence : les opérations de commerce extérieur avec l’Espagne sont gelées jusqu’à nouvel ordre, à partir de ce jeudi.
En période de conflit russo-ukrainien, cela fait craindre le pire pour l’Espagne, qui comptait sur des livraisons de gaz algérien. Même si le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, assure que le gouvernement algérien « est bien connu pour être un partenaire fiable, un fournisseur fiable » et que « des assurances ont été données par le gouvernement algérien au plus haut niveau et donc rien ne m’indique qu’il en sera autrement ».
L’accord gazier fragilisé ?
Une source diplomatique algérienne va dans le même sens : selon El Confidencial, « en ce qui concerne le gaz, la partie espagnole devra payer le juste prix, à la hausse, comme nos autres clients, notamment les Italiens, ou alors elle devra laisser la place à d’autres acheteurs intéressés ».
La fin des relations économiques entre les deux pays n’est pas anecdotique : jusqu’à la pandémie de Covid-19, l’Espagne était le quatrième partenaire commercial de l’Algérie. A l’époque, l’Espagne restait encore floue concernant son soutien ou non à la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Mais le 14 mars dernier, grâce à une pression de Rabat à propos de la politique migratoire, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez avait pris position pour le Maroc.
Pourtant, souligne El Confidencial, « directement ou par l’intermédiaire de l’UE, l’Espagne dispose de beaucoup plus de moyens légaux pour exercer une pression sur le Maroc que tout autre pays européen ». Or, le gouvernement Sánchez a apporté son soutien total au plan d’autonomie marocain dans le dossier sahraoui.
La fin de la neutralité espagnole
Si Madrid et Alger sont donc désormais fâchés, l’Espagne retrouve des couleurs au Maroc, en mettant fin à une crise qui a connu son paroxysme au moment de l’hospitalisation, en Espagne, de Brahim Ghali, dirigeant du Front Polisario, il y a un an, avant qu’une crise migratoire n’envenime un peu plus les relations entre les deux pays.
Rabat espérait qu’un jour, Madrid se prononce clairement en sa faveur dans le dossier sahraoui. En 2007, José Luis Rodríguez Zapatero était resté prudent face à la volonté marocaine que l’Espagne adopte son plan de paix dans la région. Quinze ans plus tard, Pedro Sánchez a donc mis fin à une certaine neutralité ibérique. En échange, déplore El Confidencial, le Maroc n’aurait rien promis à l’Espagne. Le texte du communiqué conjoint hispano-marocain « est plein d’annonces avec de bonnes intentions génériques, mais n’engage à rien » le royaume chérifien, indique le journal espagnol. D’autant que le bureau de douane de Melilla, fermé par le Maroc en 2018, et un autre bureau, à Ceuta cette fois, devaient être ouverts, c’est toujours le statu quo.
La réconciliation entre l’Espagne et le Maroc arrive, de plus, au moment où le royaume chérifien est accusé d’avoir écouté des personnalités espagnoles, dont Sánchez, avec le logiciel Pegasus. Dans le journal El Periódico de España, il y a quelques jours, l’ex-ministre des Affaires étrangères Arancha González Laya a dénoncé ces faits, alors qu’elle aurait été elle aussi écoutée par le Maroc en juin 2021.
Les flux migratoires comme moyen de pression ?
Quant aux autorités algériennes, elles auraient appris le soutien espagnol au plan marocain au Sahara occidental via le communiqué de presse de Rabat. Du côté de Madrid, pourtant, le ministre Albares a affirmé avoir, en amont, prévenu Alger de son revirement diplomatique. Au Congrès espagnol, le gouvernement a bien tenté de rappeler ses liens avec l’Algérie… Le président Tebboune a annoncé que l’Espagne de Pedro Sánchez n’était plus un partenaire crédible pour l’Algérie.
Et maintenant ? Alger attend patiemment le départ de Pedro Sánchez de la présidence du gouvernement. Les prochaines législatives en Espagne auront lieu en 2023. D’ici là, à moins que Pedro Sánchez ne revienne sur sa décision — ce qui semble impossible —, Madrid devra être habile pour ne pas perdre son contrat de fourniture de gaz algérien. Cependant, précisent les médias espagnols, l’annonce de Sánchez a été bien étudiée : la fourniture de gaz de schiste américain remplace petit à petit celle de gaz algérien.
Reste un dernier moyen de pression pour l’Algérie : l’immigration. Si le soutien de Madrid au plan marocain met fin à la crise migratoire avec le Maroc, les douanes algériennes pourraient, elles, laisser leurs migrants se rendre vers Almeria, Murcie ou les Baléares.