L’annonce, par le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT), de la libération de 4 200 prisonniers de guerre en Ethiopie, est l’un des premiers gestes concrets d’apaisement avec Addis Abeba. La Chine joue un rôle non négligeable dans les négociations.
La semaine dernière, plus de 300 camions d’aide humanitaire ont pu accéder au Tigré, dans le nord de l’Ethiopie. Vendredi, les rebelles tigréens du FLPT ont annoncé la libération de 4 208 prisonniers de guerre. Deux évènements qui marquent la concrétisation du cessez-le-feu entre l’armée éthiopienne et le FLPT. Mais qui pourraient être, également, annonciateurs d’une paix durable.
Selon le groupe de médias China International Publishing Group (CIPG), des négociations informelles ont eu lieu entre les dirigeants de l’armée fédérale éthiopienne, des troupes amhariques et afares d’un côté, et les dirigeants du FLPT de l’autre, afin de faciliter le passage des aides humanitaires. En effet, les trois régions du nord de l’Ethiopie connaissent une grave pénurie de produits de première nécessité. Un premier facteur qui a encouragé les belligérants éthiopiens à faire preuve de mesure, malgré le refus d’Addis Abeba, par le passé, d’autoriser les convois humanitaires onusiens, de peur que les cargaisons contiennent des armes.
D’un autre côté, des vidéos circulent sur une participation active du contingent chinois des Casques bleus au transport et distribution des aides. Ce qui confirme deux choses.
Premièrement, la Chine pèsera de tout son poids dans la Corne de l’Afrique. Deuxièmement, le nouvel envoyé spécial de la Chine pour la Corne de l’Afrique, Xue Bing, cherche à ce que la Chine soit plus visible en Ethiopie, et dans toute la sous-région.
Une piqûre de rappel de la Chine
En effet, lors d’une visite au Kenya, fin avril, le diplomate chinois a déclaré : « La Corne de l’Afrique connaît de nombreuses difficultés, qui varient des différends frontaliers aux conflits ethniques ou religieux. Nous pensons que ces problèmes doivent être résolus, sans quoi il ne saurait y avoir véritablement de développement ».
Selon Africa Intelligence, la diplomatie chinoise négocie actuellement des dizaines de projets dans la Corne de l’Afrique. Notamment en Ethiopie et en Erythrée. Des projets qui concernent l’infrastructure routière et portuaire, mais aussi deux nouvelles bases militaires.
Pour rappel, la première — la seule fonctionnelle — base militaire chinoise à l’étranger est à Djibouti. L’Empire du milieu a toujours eu beaucoup d’influence dans la Corne de l’Afrique. D’un autre côté, le 19 avril dernier, la Chine a conclu un accord militaire avec les Îles Salomon, lui permettant de mettre un pied en Océanie.
Selon la chercheuse au Centre Asie de l’Institut français des relations internationales (IFRI), Sophie Boisseau du Rocher, « tout ce qui peut affaiblir les positions occidentales est bon à prendre pour les Chinois ».
Lire : Comment Chinois et Américains se disputent la Corne de l’Afrique
Ce qui rappelle d’un côté le récent accord de financement de la Banque mondiale avec le gouvernement éthiopien, et de l’autre le déploiement américain en Somalie. Une poussée occidentale dans une région de l’Afrique où la Chine, la Turquie et la Russie dans une moindre mesure sont très influentes.
Une situation humanitaire catastrophique en Ethiopie
Si les enjeux diplomatiques autour de l’apaisement entre l’Etat éthiopien et les rebelles interrogent, la paix au Tigré est aussi un enjeu immédiat et inévitable. En effet, avec 700 000 personnes affamées, 2 millions de déplacés et 9 millions en cas de besoin d’aides alimentaires, selon l’ONU, le nord éthiopien est le terrain d’une catastrophe humanitaire.
« Ces libérations sont probablement à la fois un signe de bonne volonté et aussi de la pénurie alimentaire aiguë au Tigré », estime William Davison, spécialiste en Ethiopie à l’International Crisis Group (ICG).
« Maintenant que les flux d’aide vers le Tigré ont augmenté, (…) le gouvernement fédéral devrait rétablir les services vitaux tels que les services bancaires et faire avancer le processus de paix en ouvrant des pourparlers sur un cessez-le-feu permanent avec les dirigeants du Tigré », estime l’analyste.
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) des Nations unies, un total de 571 camions de fret ont atteint Mekelle, au Tigré, depuis le 1er avril. Un nombre dépassant de loin celui enregistré depuis le début du conflit au Tigré en novembre 2020.