Ce mardi, Muhoozi Kainerugaba, le chef de l’armée de terre ougandaise, a annoncé dans un tweet le retrait des troupes ougandaises de République démocratique du Congo (RDC). Une annonce qui prendra effet fin mai, qui déplait à Kinshasa.
L’Ouganda retirera ses troupes de la République démocratique du Congo (RDC) dans deux semaines, six mois après le début de l’opération militaire conjointe contre les groupes armés de la région.
Depuis décembre 2021, le président ougandais Yoweri Museveni avait envoyé 1 700 soldats dans l’est de la RDC. L’armée congolaise était également déployée dans la région, dans le cadre d’une opération contre les groupes rebelles et terroristes. Un ennemi commun était alors visé : les Forces démocratiques allées (ADF). Un groupe rebelle d’origine ougandaise, qui avait muté au fil des ans en organisation terroriste avec une présence dans les pays voisins et au Mozambique.
Ce mardi 17 mai, le chef de l’armée de la terre — et fils du président ougandais Museveni — Muhoozi Kainerugaba a annoncé sur twitter le retrait des troupes de l’Ouganda de la région. « L’opération Shujaa cessera officiellement dans deux semaines selon notre accord initial. Elle devait durer 6 mois. À moins que je reçoive d’autres instructions de notre Commandant en chef (le président) ou du CDF (Wilson Mbadi, chef des états-majors de l’armée, ndlr), je retirerai toutes nos troupes de la RDC dans deux semaines », a annoncé le militaire.
L’intervention ougandaise en RDC est la plus grande opération conjointe avec une armée étrangère depuis 13 ans. Sa raison d’être : une série d’attaques kamikazes à Kampala en novembre. L’Ouganda accusait alors les ADF. Du côté de la RDC, la menace terroriste dans l’est du pays dure depuis des décennies, et semblait insoluble même après l’intervention militaire des FARDC initiée par le président congolais Félix Tshisekedi.
Une décision « prématurée » pour la RDC
En RDC, Le gouvernement a estimé que le retrait des troupes ougandaises était « prématuré ». Le porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya a déclaré : « Avant de décider de mettre fin à ce qui avait été convenu, il doit y avoir des réunions des états-majors, qui doivent évaluer le degré d’évolution par rapport aux objectifs initiaux ».
De son côté, Muhoozi Kainerugaba a déclaré dans un deuxième tweet : « Pour être clair, l’opération se poursuivra pendant 6 mois supplémentaires si les deux présidents Museveni et Tshisekedi décident de la prolonger. Nos forces conjointes seront heureuses de continuer à éliminer les ADF ! ».
Depuis Kampala, le ministre ougandais de la Défense, Vincent Ssempijja, a confirmé que l’accord avec la RDC se terminait bien le 31 mai. « C’est la première fois que les autorités (ougandaises) évoquent une date butoir. Jusqu’ici, l’armée ougandaise assurait qu’elle resterait sur place le temps nécessaire pour éliminer le groupe des ADF », analyse RFI.
Les raisons du retrait ougandais
Au mois d’avril, un ancien groupe armé rebelle, présumé dissout, a commis plusieurs attentats dans l’est de la RDC. Il s’agit du Mouvement du 23-Mars (M23). Ce groupe, représenté politiquement à Kinshasa dans les plus hautes sphères de l’Etat, aurait été selon des sources du Journal de l’Afrique à l’origine de l’assassinat de l’ambassadeur de l’Italie en RDC, Luca Attanasio, l’année dernière. Le M23 était, à l’origine, un mouvement rebelle installé au Rwanda, dirigé par Laurent Nkunda, d’où il contestait les accords sur l’exploitation des minéraux entre Kabila et la Chine.
Lire : Mort de l’ambassadeur italien en RDC : un assassinat politique ?
Le retour soudain du M23 relève simplement du blackout médiatique sur la situation au Nord-Kivu. Si les médias se concentrent surtout sur l’activité et les affiliations des ADF, auxquels des attaques que le groupe terroriste ne revendique pas lui sont imputées, la réalité est que des dizaines de groupes armés sont présents dans la région.
Quoi qu’il en soit, la décision de l’Ouganda, qui attend encore une éventuelle entente entre Museveni et Tshisekedi, pourrait également être due à la récente entente entre Tshisekedi et son homologue kényan Uhuru Kenyatta. Lors du sommet de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC), le 21 avril, les dirigeants présents avaient décidé qu’une force sous-régionale devait être mobilisée en RDC. Un déploiement militaire qui s’opèrera à moins que les groupes armés dans l’est de la RDC « participassent inconditionnellement à un processus politique visant à résoudre leurs griefs vis-à-vis de l’Etat ».
Une décision de l’EAC avec laquelle l’Ouganda aurait pu être en désaccord. Une autre hypothèse serait l’agacement de Kampala à propos de cette porte de sortie offerte aux groupes rebelles et terroristes, aux abois depuis l’intervention ougandaise.