Lundi prochain, le Rwanda rouvrira sa frontière terrestre avec l’Ouganda. Une décision qui met fin à 33 mois de disputes et à des décennies de tensions dans la région.
Est-ce la fin de l’enclavement du Rwanda ? C’est ce qui semble se présager avec l’annonce du ministre rwandais des Affaires étrangères, Vincent Biruta, concernant l’ouverture prévue des frontières entre l’Ouganda et le Rwanda, prévue lundi. « Le Rwanda estime que cette annonce contribuera à la normalisation rapide des relations entre les deux pays », lit-on dans le communiqué rwandais.
Un retour des relations entre les pays voisins qui est la conséquence de la visite, samedi dernier, à Kigali, du conseiller et fils du président ougandais Yoweri Museveni. En effet, le lieutenant-général Muhoozi Kainerugaba avait rencontré le président rwandais Paul Kagame lors de cette visite. Un accord semble donc atteint pour « surmonter les obstacles se dressant devant l’amitié des pays voisins ».
Statement on the re-opening of the Gatuna border post with the Republic of Uganda pic.twitter.com/CdPkvcyNJp
— Ministry of Foreign Affairs & Int’l Cooperation (@RwandaMFA) January 27, 2022
Le Rwanda cherche à éviter l’isolement
La fermeture des frontières entre le Rwanda et l’Ouganda en mars 2019 avait perturbé les liens commerciaux dans toute la région. En effet, les deux pays dépendent du Corridor Nord, la route de transport démarrant au port kenyan de Mombasa, pour le transport des produits et marchandises d’import-export.
La rupture avait, surtout, mis un coup d’arrêt au commerce extérieur rwandais. Car pour les autorités kenyanes, l’Ouganda est un passage inévitable du Corridor Nord. De son côté, Kigali avait misé sur le Corridor Centre, qui passe par Dar es Salam, la capitale tanzanienne.
Or, entre le décès de l’ancien président tanzanien John Magufuli et le retour des relations entre le Kenya et la Tanzanie sous Samia Suluhu Hassan, le Rwanda voit de plus en plus cette relation commerciale menacée, et les intérêts de ses trois voisins s’aligner.
Si Kigali tend la main à Kampala, donc, c’est surtout pour éviter l’isolement économique. Mais, également, en raison de l’enjeu sécuritaire dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), qui intéresse de plus en plus le Rwanda. Paul Kagame a fait de la « diplomatie militaire » la pierre angulaire de sa stratégie régionale.
Kagame veut-il participer à l’opération de l’Ouganda en RDC ?
Lors d’une récente interview, Paul Kagame avait, en effet, déploré que la RDC et l’Ouganda ne l’aient pas prévenu du lancement des opérations militaires conjointes le 30 novembre dernier. « Nous n’avons été prévenus ni par la RDC ni par l’Ouganda. Ce n’est qu’au bout d’un mois que l’on a reçu des explications », a-t-il déclaré.
L’opération militaire conjointe dans l’est de la RDC vise la traque des terroristes des Forces démocratiques alliées (ADF). « Une menace régionale », selon Paul Kagame, qui affirme que son pays est également visé par le groupe rebelle, surtout depuis l’intervention rwandaise au Mozambique.
« Le groupe terroriste des ADF constitue un vrai problème, qui n’est pas seulement celui de l’Ouganda. Cette situation touche la RDC et nous affecte aussi, comme le reste la région. Au sein des ADF, il y a des Ougandais, des Congolais, des Rwandais, des Burundais, des Kényans et des Tanzaniens », affirme Kagame.
Mais, réellement, l’envoi de l’aide militaire est, depuis quelques années, un argument diplomatique de Kagame. Surtout qu’avec l’efficacité des forces rwandaises déployées dans le cadre de la SADC ou d’autres forces internationales, Kigali tend toujours à mettre en avant cet atout. Il n’empêche que l’Ouganda et le Rwanda ont presque atteint la fin de leurs différends grâce à des discussions intenses.
Une diplomatie directe qui fait fi des différends
L’Ouganda n’a toujours pas réagi à l’annonce de la diplomatie rwandaise. Toutefois, peu de temps après la rencontre de Muhoozi Kainerugaba et de Paul Kagame, le président ougandais Yoweri Museveni a fait remplacer son chef du renseignement militaire, Abel Kandiho. Ce dernier avait souvent été accusé par Kigali d’enlever des ressortissants rwandais.
Les deux présidents de l’Ouganda et du Rwanda entretiennent une amitié historique. Museveni et Kagame ont été des alliés proches dans les années 1980. Et Kagame avait grandi en Ouganda, et fait ses armes dans une unité guérilla de résistance au régime d’Idi Amin Dada, sous le commandement de Museveni.
La rivalité entre les deux présidents est purement politique, donc. Mais il semble que l’envoi du fils et conseiller de Museveni à Kigali, tout comme la réouverture des frontières par Kagame, soient le fruit d’une volonté commune d’apaisement.
Pourtant, sous l’égide du président angolais João Lourenço et son homologue congolais Félix Tshisekedi, une médiation a été tentée en 2020. En vain. Et à cause, notamment, de l’utilisation par le Rwanda du logiciel espion israélien Pegasus, afin d’espionner des responsables ougandais. Des accusations rejetées par Kigali, mais qui ont fait croire à l’envenimement des relations entre les pays voisins.