Une mutinerie dans de nombreuses casernes militaires du Burkina Faso a donné lieu à plusieurs rumeurs concernant une éventuelle arrestation du président Roch Marc Christian Kaboré. Des manifestants, de leur côté, ont incendié le siège du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), le parti du pouvoir.
Il fallait s’y attendre. La crise au Burkina Faso a atteint son paroxysme ce dimanche 23 janvier. Un dimanche infernal pour les représentants de l’Etat. Après des mois de protestations et un samedi placé sous le signe des manifestations réclamant le départ du président, c’est au tour des militaires de monter au créneau.
Dans la nuit du samedi au dimanche – à 1 heure du matin –, dans trois casernes à Ouagadougou et Kaya, plus au nord, des coups de feu ont suscité la curiosité des Burkinabés. Ce qui ressemblait à une mutinerie s’est confirmé tout au long de la journée. Des militaires ont investi les rues de la capitale, tirant sporadiquement en l’air pour sommer les civils de rester éloignés des points sensibles contrôlés par l’armée.
Sur les réseaux sociaux, les internautes parlent de la chute de Kaboré. Mais vers midi, le ministre de la Défense Aimé Barthélémy Simporé a démenti les rumeurs. Dans l’après-midi, plusieurs milliers de manifestants ont organisé des marches aux alentours des casernes militaires, « pour exprimer leur soutien aux forces armées » selon un militant.
Une confusion totale
Ce sera le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Ousséni Tamboura, qui expliquera tour par tour aux médias internationaux la situation. Il semblerait que, si on en croit le gouvernement, les militaires se sont mutinés pour « réclamer le soutien de l’Etat dans la guerre contre le terrorisme ». Tamboura explique aussi que son homologue de la Défense a entamé des pourparlers avec les mutins, dans le but de négocier une hausse de paie, entre autres.
Mais dans un contexte où les manifestants assurent que les militaires réclament la démission du ministre de la Défense, le chaos règne actuellement. Aucune partie désintéressée n’a pris la parole, et du côté de l’opposition politique et de la société civile, c’est le silence total. Quant à la rue, elle demande le départ du président Kaboré et tout son gouvernement. En ce qui concerne la rumeur sur la chute du président, le silence de ce dernier a laissé place aux hypothèses les plus folles.
Finalement, un porte-parole des mutins a déclaré qu’ils réclamaient des ressources et une formation appropriée pour l’armée dans sa lutte contre les terroristes, et la démission des chefs de l’armée et du renseignement. De quoi remettre les pendules à l’heure quant à la réalité de la situation ?
Seule question : le mouvement des militaires a-t-il un meneur ? Il faut rappeler que, mercredi dernier, huit militaires dont le chef d’un régiment commando, le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana, ont été arrêtés pour tentative de coup d’Etat. Aussi, l’un des camps militaires où les tirs ont été entendus dans la nuit d’hier abritait une prison militaire. En effet, le camp de Sangoule Lamizana abrite les prisonniers de la tentative de coup d’Etat manquée de 2015. Parmi eux, le général Gilbert Diendere, condamné à 20 ans de prison en 2019.
Comment le Burkina Faso en est-il arrivé là ?
La frustration dans le pays ouest-africain n’a cessé de croître ces derniers mois face à la détérioration de la sécurité. La mort de 49 policiers lors d’une attaque terroriste en novembre avait provoqué de violentes manifestations appelant à la démission de Kaboré.
C’est aussi la ligne diplomatique de l’Etat burkinabé qui a créé un fossé entre le président et la jeunesse du pays. Le soutien de Kaboré pour la Cedeao dans son bras de fer avec les autorités militaires maliennes et guinéennes était mal vu par une grande partie des Burkinabés.
Mais ce sont surtout les actes de répression des mouvements qui dénoncent ce contexte qui ont provoqué la situation de ce dimanche. Les autorités ont multiplié les interdictions de manifester, les arrestations des militants et les échecs dans la prévention des attentats terroristes.
L’Etat a suspendu l’accès à Internet dans le pays depuis dix heures de la matinée du dimanche, de quoi provoquer plus de rogne dans la rue. Des manifestants ont incendié le siège du parti de Kaboré, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), dans la soirée. Au milieu d’un black-out des réseaux sociaux, il serait difficile de savoir ce qui se passe exactement dans le pays. Un couvre feu a aussi été décrété par le président. Ce qui est sûr, pour le moment, c’est qu’il faudra attendre la fin des pourparlers entre les soldats mutins et le gouvernement pour en savoir plus.