Huit militaires, dont le chef d’un régiment de commandos, ont été arrêtés samedi dernier au Burkina Faso. Ils sont accusés de tentative de coup d’Etat.
Un communiqué du procureur militaire de Ouagadougou annoncé que huit soldats, arrêtés le 8 janvier, seront traduits devant la justice pour « tentative de déstabilisation des institutions de la République ». Autrement dit, pour une tentative de putsch. Parmi les huit militaires, le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana, chef du 12e régiment d’infanterie commando.
Selon les médias nationaux, l’interpellation des huit militaires aurait un lien avec les manifestations, à Ouagadougou, du 27 novembre dernier. Les protestataires réclamaient, notamment, la démission du président Roch Marc Christian Kaboré à cause de la détérioration de la situation sécuritaire. A l’origine également de la grogne : le passage d’un convoi des forces françaises de Barkhane au Burkina Faso. Un évènement qui a provoqué la colère des populations, qui ont alors bloqué le passage du convoi entre le 17 et le 23 novembre.
Emmanuel Zoungrana était le commandant du groupement de forces du secteur ouest dans la lutte contre le terrorisme. Il avait été limogé en décembre après avoir critiqué le gouvernement.
The authorities in Burkina Faso announce the arrest of 8 soldiers who are accused of plotting a coup. Among those arrested is Colonel Mohamed Emmanuel Zoungrana – a well known former army commander who has reportedly been critical of the government.
— Paul Bakibinga (@PabloBach) January 11, 2022
Tentative de coup d’Etat ou paranoïa ?
Le procureur militaire estime que Zoungrana a joué un rôle crucial dans l’échec du gouvernement en matière de lutte antiterroriste. Le militaire est notamment accusé d’avoir encouragé les manifestations. L’un des soldats arrêtés aurait également avoué les intentions du groupe à la police judiciaire militaire.
C’est en tout cas ce que dit la version officielle. Avérée ou pas, cette tentative de putsch intervient alors que le pouvoir burkinabé est sur ses gardes. Lors des derniers mois, les limogeages de ministres se sont succédé. Et Kaboré cherche, presque ouvertement, à rejeter la faute sur ses subalternes.
Mais alors que le pays fait face à une menace sécuritaire grandissante, pourquoi Ouagadougou s’attaquerait-il aux militaires ?
La paranoïa du pouvoir n’est certainement pas étrangère à la situation politique en Afrique : ailleurs — Mali et Guinée —, des coups d’Etat ont été menés par des hauts gradés des forces spéciales et soutenus par les populations. De quoi effrayer Kaboré. D’autant que le profil de Zoungrana ressemble étrangement à celui de Mamady Doumbouya et d’Assimi Goïta, les meneurs des putschs au Mali et en Guinée.
Mali# Burkina Faso# critiqué par son peuple d’être un cache-sexe de la françafrique à l’origine des sanctions de la France au Mali via sa CEDEAO, Kabore coupe internet, puis invente un pseudo coup d’état militaire. La meilleure défense étant l’attaque# comme il fait pitié# pic.twitter.com/7TzlmFHVHo
— David Zang Mengue (@DavidZangMengu5) January 12, 2022
Rupture entre l’Etat, l’armée et les citoyens
Pendant qu’à Ouagadougou, les autorités étaient occupées à dénoncer cette tentative de coup d’Etat, quatre soldats ont été tués par des terroristes dans le nord du pays. Des attentats terroristes devenus monnaie courante dans le pays.
Si, au début de l’année 2021, les opérations antiterroristes de l’armée étaient plutôt efficaces, les désaccords entre le président et ses ministres de l’Intérieur et de la Défense ont mis un coup d’arrêt à celles-ci.
L’armée du Burkina Faso a finalement privilégié une approche plutôt axée sur les aides humanitaires aux villageois dans les régions du nord et de l’est. Une aide qui a permis, un temps, la fin de l’omerta autour des activités terroristes.
Depuis, une nouvelle vague de violences a fait son apparition. Et l’Etat, en l’absence de la coopération des villageois des régions frontalières qui se sentent désormais abandonnés, s’est montré incapable d’anticiper ses déploiements militaires.
Serait-on donc en train de se diriger vers une rupture entre les populations, le pouvoir et les militaires au Burkina Faso ?