A peine deux jours après l’appel du président tunisien Kaïs Saïed à poursuivre les partis politiques accusés de financement étranger, le siège de l’ancien parti du pouvoir Ennahdha a pris feu.
La scène était surréaliste. Dans le quartier huppé de la capitale Tunis, Montplaisir, où le parti islamiste Ennahdha, au pouvoir en Tunisie depuis des années, a son siège, les flammes ont attiré les passants et les journalistes. Un édifice en feu, des militants qui sautent par les fenêtres, dont l’ancien ministre de l’Intérieur et ex-chef du gouvernement Ali Larayedh… La panique était palpable ce jeudi à Tunis.
Selon un source proche du parti islamiste Ennahdha, « un individu est entré dans le siège du mouvement et s’est versé de l’essence sur le corps avant d’y mettre le feu ». La même source indique que la personne concernée a succombé à ses blessures. L’individu, âgé de 51 ans, avait été impliqué dans l’attaque de Bab Souika avant d’être libéré en 2006. Salarié au siège du parti, avant d’être licencié l’an dernier, il s’est rendu jeudi sur les lieux pour demander une entrevue avec Rached Ghannouchi et Ali Larayedh.
Cet incendie est symbolique lorsque l’on sait que le président Kaïs Saïed avait décidé, le 25 juillet dernier, de suspendre la chambre basse du Parlement, dernier fief du pouvoir officiel d’Ennahdha et de son chef Rached Ghannouchi, entre autres. Le président tunisien s’était octroyé les pleins pouvoirs. Toutefois, si Ennahdha est, aujourd’hui, le plus grand perdant du coup de force du président et la première force d’opposition, le parti et ses propres membres n’ont pas été inquiétés par la justice.
Mardi dernier. Kaïs Saïed a réuni le Conseil supérieur de la magistrature et a expressément exigé que la justice poursuive les « partis dont il est établi qu’ils ont bénéficié de financements étrangers lors de la campagne électorale pour les législatives de 2019 ». Des poursuites que feraient suite à un rapport de la Cour des comptes datant de novembre 2020 et qui accuse Ennahdha d’avoir signé un contrat de lobbying aux Etats-Unis.
Des contrats de lobbying estimés à 780 000 dollars, dépassant de loin le seuil défini par la loi. Néanmoins, le lancement de poursuites intervient dans un contexte très délicat, alors que le président Saïed est accusé par une majorité des politiciens d’instaurer un régime dictatorial en Tunisie. Des accusations qui ne trouvent pas d’échos auprès des populations, qui soutiennent les actions du président depuis sa prise des pleins pouvoirs. Un appui populaire qui diminue lentement, mais qui reste réel.
Au niveau international, la Tunisie, pays à l’origine des révolutions du printemps arabe en 2011, a été écartée du Sommet sur la Démocratie, organisé hier en visioconférence par le président des États-Unis Joe Biden. Une exclusion qui soulève de nombreuses questions.
Qu’en est-il d’Ennahdha aujourd’hui ? Le bureau exécutif du parti s’était réuni la veille. Et alors que l’étau de la justice se resserre autour de la formation politique, l’édifice abritant tous ses secrets part en feu. Reste désormais à savoir ce qu’il adviendra du parti, qui bénéficie toujours d’une base électorale importante.