Les contours de la conférence sur la Libye, qui s’est tenue vendredi à Paris, étaient flous. Les conclusions de la réunion n’en sont pas moins décevantes.
Une cinquantaine de pays, une trentaine de chefs d’Etats, plusieurs organisations internationales parmi lesquelles l’Organisation des Nations unies… Le parterre d’invités, réunis à l’appel de l’Etat français à Paris, était pour le moins prestigieux, ce vendredi 12 novembre 2021. Après plusieurs heures de discussions, la Conférence de Paris sur la Libye a rendu ses conclusions dans un communiqué aussi long que fade. Explications.
La Conférence de Paris sur la Libye était organisée dans un contexte très tendu. Et à six semaines des élections du 24 décembre, l’issue est plus que décevante. La conférence, organisée par Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères d’Emmanuel Macron, avait pour but de redorer le blason français. Macron veut à nouveau s’imposer en Libye, où il a été mis à l’index. Et si la France cherche à réunir autour du candidat de l’est libyen Khalifa Haftar, cela se fait sans tact. Le fils du maréchal, qui avait atterri à bord de son jet privé dans la nuit du jeudi à Paris, a été renvoyé chez lui sans équivoque. Selon une source qui s’est confiée au Journal de l’Afrique, un invité connu sous les initiales « O. K. », censé représenter Saïf al-Islam Kadhafi, était présent à Paris avant et pendant la conférence. Cet homme se serait entretenu avec trois chefs d’Etat africains et plusieurs ministres.
Ainsi donc, la conférence, lors de laquelle l’Algérie, la Russie et la Turquie étaient absentes, a finalement beaucoup moins profité que prévu à Haftar qu’au fils de Mouammar Kadhafi. Un retournement de situation plus qu’inattendu, qui met en exergue le morcellement de la scène politique libyenne en vue des élections qui approchent, mais surtout des potentiels troubles post-électoraux.
Un autosatisfecit en bonne et due forme
Au matin de la conférence, Le Journal de l’Afrique s’était procuré le brouillon des conclusions de la Conférence de Paris. Sans surprise, le brouillon s’est, au cours de la journée, transformé en communiqué final, sans que le document ne soit retouché. En d’autres termes, l’Elysée avait rédigé le communiqué au nom de tous les participants avant que ces derniers n’aient le temps d’exprimer leurs positions. Paris savait donc pertinemment qu’il ne sortirait rien de nouveau de la fameuse conférence, qui a plutôt servi de photocall pour Emmanuel Macron, aperçu en train de serrer de nombreuses mains de chefs d’Etat.
Le contenu du document, lui, n’apporte rien de neuf. « Nous, participants, réaffirmons notre plein respect de la souveraineté, de l’indépendance, de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale de la Libye », peut-on lire. S’en suivent vingt-cinq paragraphes qui attribuent à la communauté internationale une liste de victoires diplomatiques européennes qui ressemble à une réécriture de l’Histoire. Les participants, dans le communiqué, saluent en effet « les progrès réalisés vers le rétablissement de la paix et de la stabilité en Libye depuis la Conférence de Berlin sur la Libye ». Or, Berlin a été un échec, qui n’a eu d’autre effet que décrédibiliser les délégués du Forum libyen et de faire passer les intérêts des puissance occidentales avant les intérêts du peuple libyen.
Le document évoque ensuite les élections législatives et présidentielle « libres, inclusives et crédibles », prévues le 24 décembre prochain. Selon le communiqué, 2,8 millions de Libyens se seraient inscrits sur les listes électorales — on comptait plus de 3,5 millions d’électeurs en 2014. Et comme si l’autosatisfaction ne suffisait pas, le communiqué appelle « les parties libyennes » à s’en remettre « aux bons offices de la MANUL », pour « renforcer la confiance mutuelle et bâtir un consensus ». Etonnant lorsque l’on connaît les difficultés de la Mission d’appui des Nations unies en Libye.
L’utopie d’une issue heureuse
Triste ironie du sort : l’Elysée, auteur de ce communiqué, félicite la MANUL pour ses plans « d’élaboration d’une législation contre les violences faites aux femmes », dans une Libye où les soldats de la MANUL, ainsi que ceux du candidat de la France et ses alliés — Khalifa Haftar — sont accusés de milliers de cas de viols et d’esclavage.
Tant et si bien que le pape Francis a ouvertement appelé les autorités européennes à arrêter de renvoyer les migrants illégaux en Libye, où ils risquent d’être « torturés ou pire encore ». Cela n’empêche pas le communiqué final de « remercier les autorités libyennes pour leur coopération » dans les vols de rapatriement des migrants, que l’Elysée qualifie d’« évacuation humanitaire volontaire ».
Tout ça pour ça ? Outre les nombreux points discutables écrits dans ce communiqué fleuve, c’est surtout la conclusion qui étonne. Le document affirme en effet que les participants à la conférence sont « sûrs » quant à un essor « pacifique » des élections. Dans un pays où, selon les chiffres de l’ONU, 17 millions d’armes de guerre sont en circulation, pour une population de 7 millions de personnes, c’est mal connaître la situation en Libye.