A la suite de l’expulsion du représentant de la Cedeao à Bamako et alors que l’instance régionale n’y arrive pas en Guinée, la Cedeao organisera un nouveau sommet extraordinaire le 7 novembre. Objectif : « Statuer sur la Guinée et le Mali ».
« Plus de pouvoirs devraient être donnés à la Cedeao car elle n’a pas d’instruments juridiques pour prendre des mesures fermes ». Le constat du député du parlement de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), Awaji Abiante, est sans appel : la Cedeao, ces dernières années, est restée inefficace.
Le sommet du parlement de la Cedeao, qui s’est conclu à Winneba, le 22 octobre, a été décevant. Ce sont cette fois les chefs d’Etat de la Cedeao qui ont prévu de se réunir. En effet, selon les médias français, un sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la Cedeao se tiendra à Accra le 7 novembre prochain. L’ordre du jour serait, selon RFI notamment, de statuer sur la Guinée et le Mali.
La fracture entre la Cedeao, le Mali et la Guinée
Après l’expulsion de Hamidou Boly, le représentant de la Cedeao au Mali, par le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, la Cedeao peut-elle espérer la coopération de Bamako ? Hamidou Boly était, selon Diop, « engagé avec des groupes et des individus qui entreprennent des activités hostiles à la transition et qui ne cadrent pas du tout avec sa mission ». Ajoutant un peu de tension au contexte déjà fragile, le président ghanéen Nana Akufo-Addo, président actuel de la Cedeao, s’est déplacé au Mali pour « délivrer un message ferme » aux autorités.
Les choses n’évoluent pas bien mieux en Guinée, où le président de la Commission de la Cedeao, Jean-Claude Brou, a effectué une visite de trois jours qu’il qualifie de « fructueuse ». Cependant, « l’accompagnement des autorités de la transition » de la Cedeao en Guinée, à savoir le président Mamadi Doumbouya et le Premier ministre Mohamed Béavogui, semble avoir été anecdotique.
Au vu du ton des discussions entre la Cedeao, accusée d’inefficacité par certains et d’une trop grande tolérance envers certains dictateurs par d’autres, et les juntes malienne et guinéenne, le sommet d’Accra pourra-t-il déboucher sur des actions concrètes ? Rien n’est moins sûr.
Que peut faire une Cedeao désarmée ?
A vrai dire, la Cedeao n’a plus de moyens de pression supplémentaires, que ce soit sur le Mali ou sur la Guinée, puisqu’elle ne dispose que d’un arsenal restreint. L’organisation sous-régionale s’appuie globalement sur trois atouts pour exercer un rôle politique dans les pays membres : tout d’abord, les sanctions, dont aucune n’a été épargnée à la suite des coups d’Etat malien et guinéen ; ensuite, la pression de la communauté internationale et des instances financières, une arme également usée ; enfin, une intervention militaire qui, historiquement, n’est possible qu’en cas de consensus entre les présidents des pays de la Cedeao. Et on en est loin.
D’autant que les Casques blancs de la Cedeao (Ecomog), ont un palmarès aussi contestable que celui de leur organisation mère. De la guerre civile du Libéria à la Sierra Leone, en passant par la Guinée Bissau et la dernière intervention en date, celle pendant la crise gambienne, l’Ecomog est de facto une armée considérée comme nigériane. Peut-on dire que le Nigéria assume encore son rôle au sein de la Cedeao ? Pas vraiment. Au cœur des conflits intestins au sein de l’organisation, le Nigéria est à la tête d’un groupe d’Etats — le Sénégal, la Guinée-Bissau et la Gambie — dont les relations avec les régimes d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) et Alpha Condé étaient plus que froides. Et concrètement, à l’exception du président ivoirien Alassane Ouattara et de son homologue togolais Faure Gnassingbé, qui ne peuvent pas se permettre de menacer le Mali ou la Guinée, Nana Akufo-Addo semble seul à vouloir imposer la volonté de la Cedeao aux Etats de transition.
Un simple « syndicat des chefs d’Etat » ?
Le sommet de la Cedeao du 7 novembre ressemble donc aux précédents. Les chefs d’Etat de la Cedeao n’arrivent pas à soutenir une position forte, car toute décision n’est en réalité pas unanime. Officiellement, les intérêts économiques des Etats voisins du Mali et de la Guinée sont en jeu. En réalité, la tendance de l’opinion publique à saluer les coups d’Etat militaires contre les régimes dictatoriaux fait peur à certains chefs d’Etat de l’organisation. Ces derniers se retrouvent incapables d’agir, et désemparés, face à la menace que le scénario se répète chez eux.
En septembre déjà, le politologue sénégalais Hamidou Anne expliquait que, « pour que la Cedeao soit plus crédible, il faut déjà que les présidents qui y siègent soient des gens crédibles ». Et Hamidou Anne de constater qu’« on ne peut pas faire de la démocratie sans les démocrates, ce n’est pas possible ».
Or, la Cedeao était déjà tiraillée entre les deux camps qui y siègent. En février déjà, Macky Sall et Umaro Sissoco Embaló avaient contesté la volonté prématurée de Nana Akufo-Addo d’être reconduit à la présidence de la Cedeao. Le président bissau-guinéen parlait d’un « syndicat des chefs d’Etat », quand son homologue sénégalais expliquait que la Cedeao « multiplie les gestes inamicaux ». Un petit différend qui a mis à nu le conflit diplomatique qui ne dit pas son nom au sein de l’instance. Et si ce « syndicat » semble uni aujourd’hui, cela ne pourrait être qu’artifice. Début septembre, Akufo-Addo avait appelé Muhammadu Buhari à « soutenir activement les efforts de la Cedeao » au Mali et en Guinée. Un plaidoyer qui n’aura servi à rien.