Le Royaume-Uni refuse de considérer les personnes africaines ayant reçu deux doses de Pfizer comme des personnes vaccinées. Une décision qui fait polémique.
Les campagnes de vaccination ont beau avancer en Afrique, ce n’est pas pour autant que les citoyens du continent pourront voyager à leur guise. Certes, plusieurs vaccins utilisés sur le continent n’ont pas encore reçu l’approbation des organisations sanitaires mondiales, à l’instar de Sinopharm, Sinovac ou encore Sputnik V, et l’on sait d’ores et déjà que plusieurs Etats ne les accepteront pas. Mais certains pays d’Afrique utilisent cependant des doses de J&J, d’AstraZeneca ou encore de Moderna, utilisés également par les pays occidentaux.
Sans s’embarrasser avec ces considérations, le gouvernement britannique a décidé, le 17 septembre dernier, que les personnes vaccinées en Afrique, mais également en Amérique du Sud, en Inde ou en Russie, entre autres, seraient désormais simplement considérées comme « non vaccinées ». Un voyageur en provenance d’Afrique devra donc suivre les même règles que les personnes n’ayant pas reçu leurs doses de vaccin anti-Covid, à savoir une quarantaine de dix jours et des tests à domicile.
Le Royaume-Uni radical
Alex Macheras, spécialiste en aéronautique, affirme qu’un ministre des Affaires étrangères issu d’un des pays concernés par les mesures britanniques lui a confié qu’il demanderait à Liz Truss, la nouvelle ministre britannique des Affaires étrangères, pourquoi les pays utilisant des vaccins Pfizer sont concernés par cette mesure.
D’autant que l’Afrique du Sud et le Sénégal devraient prochainement produire des doses de Pfizer-BioNtech. Or, à quoi bon proposer le vaccin Pfizer en Afrique si celui-ci n’est pas accepté par les autorités sanitaires britanniques ? En termes de diplomatie, cette décision anglaise risque bien de provoquer des remous. Car en plaçant plusieurs pays, voire tout un continent, sur sa liste rouge, le Royaume-Uni prive d’ores et déjà de nombreux voyageurs de se rendre sur son sol.
Depuis plusieurs mois, la question du laissez-passer européen agace elle aussi particulièrement les Africains. Le passeport vaccinal européen avait en effet été créé au début de l’été, mais ne comprenait pas le vaccin Covishield. Or, le vaccin Covishield est produit par AstraZeneca, via le Serum Institute of India. L’AstraZeneca, lui, est depuis le départ autorisé par l’Europe.
La question du Covishield a provoqué des remous
Le passeport vaccinal européen, utilisé pour faciliter les déplacements au sein de l’Union européenne en pleine pandémie de COVID-19, excluait donc de facto de nombreux Africains.
Face à l’insistance des instances africaines, une quinzaine de pays européens ont finalement reconnu le vaccin Covishield d’AstraZeneca. Notamment Paris qui, le 17 juillet dernier, avait indiqué que le sérum « est désormais reconnu pour le pass sanitaire » français. Il faut dire que le Covishield figure, depuis février déjà, sur la liste des vaccins homologués par l’Organisation mondiale de la santé et que sa non-inscription sur la liste des vaccins autorisés par l’Europe était une aberration.
Reste que les voyageurs vaccinés avec les vaccins chinois et russe — de Sinopharm à Sputnik V — sont encore et toujours obligés de se plier aux mêmes mesures que les voyageurs non vaccinés. Pour le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC), de l’Union africaine, les restrictions en matière de santé publique auxquelles les voyageurs sont soumis ont « des implications administratives et financières considérables ».
Au-delà des simples formalités de voyage, cette non-reconnaissance de plusieurs vaccins par l’Union européenne a de graves conséquences. « Les règles actuelles mettent en péril le traitement équitable des personnes vaccinées dans des pays ayant recours au programme Covax, y compris dans la majorité des Etats membres de l’Union africaine », estimait en juin le CDC-Africa. Or, précise l’organisme, « ces développements sont préoccupants car le Covishield constitue la colonne vertébrale du dispositif Covax, soutenu par l’Union européenne, d’appui aux programmes de vaccination des pays de l’Union africaine ».
D’un côté, donc, l’Europe soutient les campagnes de vaccination africaines — tout en s’étant octroyé la majorité des doses — via l’initiative Covax, mais refuse d’accueillir les bénéficiaires du programme. Une décision qui rend encore plus sceptiques les Africains, qui hésitent déjà pour nombre d’entre eux à se faire vacciner.
Si les autorités européennes et africaines continuent de discuter, le Royaume-Uni a, lui, tranché. Et sa décision est pour le moins radicale. En attendant, les pays européens envoient à leurs ressortissants en Afrique des vaccins reconnus par l’Agence européenne des médicaments, tout en laissant sur le carreau bon nombre d’Africains.