Le prochain ambassadeur d’Arabie saoudite en Algérie, Abdullah bin Nasser al-Bassiri, cherche à positionner le royaume en tant que médiateur dans la crise qui oppose le Maroc et l’Algérie.
Avant même de remettre ses lettres de créances aux autorités algériennes, le diplomate saoudien Abdullah bin Nasser al-Bassiri, proche du prince héritier Mohamed Ben Salmane, se retrouve plongé au beau milieu d’une intense opération de lobbying. Contacté par le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita, le diplomate doit suivre la proposition de médiation du ministre saoudien des Affaires étrangères Faisal bin Farhan al-Saoud. Ce dernier avait appelé, le 27 août dernier, Nasser Bourita et son homologue algérien Ramtane Lamamra, pour tenter de devenir facilitateur dans un dossier très délicat.
L’Algérie a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc le mardi 24 août. Les griefs de l’Algérie envers la monarchie marocaine semblent irréversibles : le coup de force du Maroc dans le dossier du Sahara occidental, la normalisation des relations avec Israël, le soutien envers le mouvement sécessionniste MAK en Algérie ou encore les déclarations – hostiles envers l’Algérie – du ministre israélien des Affaires étrangères Yaïr Lapid à Rabat… L’Algérie accuse le Maroc « d’actions hostiles ». Il n’est donc pas sûr que la diplomatie saoudienne réussisse à proposer un compromis entre les pays voisins. Mais Riyad souhaiterait prendre ce rôle.
Les enjeux saoudiens en Afrique
Pour Mohamed Ben Salmane, l’enjeu est de trouver un pied-à-terre dans la diplomatie africaine. Le prochain ambassadeur saoudien en Algérie fait partie des proches de « MBS ». Et l’Arabie saoudite se dispute l’influence au Maroc avec les Emirats arabes unis (EAU). Le prince héritier Mohammed ben Zayed Al Nahyane est le seul dirigeant arabe à soutenir les revendications marocaines vis-à-vis du Sahara occidental. Les Emirats arabes unis sont, comme le Maroc, signataires des Accords d’Abraham.
Pour la diplomatie saoudienne, l’enjeu n’est en réalité pas d’œuvrer pour l’apaisement entre l’Algérie et le Maroc. Même si une réconciliation, sous la houlette de Riyad, serait une véritable victoire diplomatique. Il s’agit plutôt de reprendre du terrain aux Emiratis. Un point sensible dans la diplomatie arabe en Afrique, alors que les EAU mettent la pression sur l’Ethiopie pour régler le différend avec l’Egypte et le Soudan, au sujet du Grand barrage de la renaissance (GERD). Mais, là encore, le Maroc n’a que peu d’influence en Afrique de l’Est.
Si Abdullah bin Nasser al-Bassiri, qui parle donc au nom de MBS, sait que sa marge de manœuvre est large, notamment grâce aux rapports cordiaux entre l’Algérie et l’Arabie saoudite, il ne faut pas omettre que l’Algérie n’est généralement pas très réceptive aux tentatives d’ingérence de la part des diplomaties étrangères sur son territoire. L’Arabie saoudite joue un jeu dangereux, et potentiellement coûteux, pour promouvoir les intérêts de la monarchie marocaine. Toutefois, cette médiation arrange plusieurs autres pays, comme la France. La diplomatie française a toujours maintenu de bons rapports avec l’Arabie saoudite mais ne semble pas encline à se positionner officiellement sur ce dossier.
Une diplomatie délicate
La diplomatie semble être l’un des nouveaux chevaux de bataille de l’Arabie saoudite, qui s’est alliée ouvertement avec les Etats-Unis pour s’opposer à l’Iran. Par ailleurs, le royaume des Saoud n’a pas normalisé ses relations avec Israël, contrairement aux Emirats arabes unis. Ce qui pourrait favoriser une médiation entre l’Algérie et le Maroc. L’Arabie saoudite est, enfin, le plus grand pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), ainsi que troisième pays musulman producteur de gaz naturel, juste devant l’Algérie.
Seulement voilà, l’Algérie se tient à distance égale de l’Arabie saoudite et du Qatar. Menaçant de couper l’approvisionnement marocain en gaz, que le Maroc prélève sur le gazoduc Algérie-Espagne, l’Algérie pourrait aussi perdre des parts de marché au bénéfice de l’Arabie saoudite, ainsi que sa position privilégiée au sein de l’OPEP. Pour le Maroc, faire appel à l’Arabie saoudite représente donc une option qui reste à son avantage.