Le procès de la « dette cachée » au Mozambique a démarré ce lundi. Un gigantesque procès pour corruption, impliquant 19 hauts responsables de l’Etat et de plusieurs banques. Retour sur un scandale d’Etat.
Sous une tente installée spécialement à Machava, une prison de Maputo, la capitale du Mozambique, s’est ouverte la première audience du procès de la « dette cachée ». Un procès embarrassant pour l’Etat mozambicain, qui démarre alors que le pays affronte l’une des crises économiques les plus graves de son Histoire.
Parmi les 19 accusés poursuivis pour détournement de fonds, on retrouve Ndambi Guebuza, fils de l’ancien président Armando Guebuza, mais aussi l’ancien chef de la sûreté nationale (SISE), Gregorio Leao, ainsi que l’ex-ministre des Finances Manuel Chang. Ce dernier, absent lors de la première audience, sera extradé par l’Afrique du Sud très prochainement, ont annoncé lundi les autorités sud-africaines. C’est là-bas qu’il avait été arrêté en 2018.
Le terme de « dette cachée » fait référence aux prêts accordés au Mozambique en 2013 et 2014 par les banques Crédit Suisse et Vnechtorgbank (VTB), une banque russe. En tout, 1,76 milliard d’euros ont été prêtés pour financer la surveillance maritime et plusieurs chantiers navals. Les fonds du prêt, garantis par Manuel Chang au nom de l’Etat mozambicain, ont été dilapidés depuis.
La demande de prêt avait été faite alors que des tensions, dans le Golfe d’Aden, menaçaient de se propager vers le sud. L’Inde, la Chine, la Russie et les pays occidentaux comptaient énormément sur la sécurité du Canal du Mozambique pour le transport maritime vers le Golfe de Guinée.
L’affaire qui a détruit le Metical
Parmi les bénéficiaires de la somme perçue, trois sociétés mozambicaines : ProIndicus, Mozambique Tuna Company (MTC) et Mozambique Asset Management (MAM). Dissoutes depuis, ces entreprises étatiques avaient le même directeur général : Antonio Carlos do Rosario. Ce dernier était un officier du Serviço de Informaçao e Segurança do Estado (SISE), les services secrets mozambicains. Il est accusé d’avoir facilité le détournement de fonds vers les comptes privés de plusieurs accusés.
Trois responsables de la banque Crédit Suisse ont reconnu avoir accepté des pots-de-vin. Un facilitateur du groupe de construction navale Privinvest, basé à Abou Dabi, le Franco-Libanais Jean Boustani, avait été acquitté aux Etats-Unis. Boustani, Chang et do Rosario auraient influencé plusieurs responsables mozambicains afin qu’ils émettent des garanties pour ces prêts.
Or, ces garanties étaient en réalité contraires aux lois de finances de 2013 et 2014, ainsi qu’à la Constitution mozambicaine. Le Conseil constitutionnel du Mozambique a jugé que ces garanties illégales. Une bataille juridique a alors débuté : le FMI et les autres instances financières internationales ont affirmé, malgré ce jugement de la Cour, que le Mozambique avait effectué un défaut du paiement de sa dette. La monnaie nationale, le Metical, a alors connu une chute inexorable depuis 2016.
L’Afrique du Sud répond favorablement au Mozambique
Si on en croit les enquêtes journalistiques qui avaient révélé cette affaire et à l’origine du procès, la quasi-totalité des fonds a été détournée. Au moins 150 millions d’euros auraient été payés par Privinvest en pots-de-vin. Bien qu’il ne soit pas impliqué dans l’affaire, le président mozambicain Filipe Nyusi a été mis en cause par un témoignage dans l’affaire Boustani aux Etats-Unis.
La réelle surprise de la journée du lundi n’est pas l’audience, qui s’est déroulée à huis clos, mais plutôt la décision de l’Afrique du Sud d’extrader Manuel Chang, dont la signature figure sur toutes les preuves matérielles récoltées par les enquêteurs. Le Mozambique réclame l’extradition de Chang, mais les Etats-Unis également. L’Afrique du Sud a donc décidé de porter son choix sur le Mozambique plutôt que les USA.
Une décision importante pour le Mozambique, qui démontre la solidarité africaine autour d’un dossier qui concerne un pays touché actuellement par le terrorisme et dans la ligne de mire du FMI.