Rabat va demander à l’Unesco des explications quant à une subvention donnée par l’organisation internationale à Forbidden Stories, à l’origine des révélations sur l’utilisation de Pegasus par le Maroc.
« Le journalisme d’investigation à l’international est onéreux et particulièrement risqué. Forbidden Stories est un projet à but non-lucratif, qui dépend du soutien financier d’organismes philanthropiques ainsi que des dons du public ». Sur la page de son portail web, Forbidden Stories, qui vient de provoquer un scandale international en publiant une enquête sur le logiciel espion Pegasus, est transparent quant à ses donateurs. Il faut dire que l’ONG touche des sommes importantes chaque année pour que ses journalistes puissent fournir des enquêtes solides. En 2018 et 2019, Freedom Voices Network — le nom officiel de Forbidden Stories — a déclaré avoir perçu environ 600 000 euros.
Si Forbidden Stories assure « maintenir une séparation stricte entre ses choix éditoriaux et toutes ses sources de revenus », en prenant des décisions « de manière indépendante et transparente », la liste des donateurs n’est pas dénuée d’intérêt. Parmi les généreux donateurs, on trouve en effet l’organisation philanthropique mondiale Luminate, détenue par le fondateur d’Ebay, Pierre Omidyar. En 2014, l’homme d’affaires avait lancé The Intercept, un magazine qui n’a pas hésité à publier les documents sur la NSA révélés par Edward Snowden.
Autre soutien financier de Forbidden Stories : Open Society Foundations. L’organisation de George Soros est l’un des donateurs les plus généreux de l’ONG. D’autant que, outre les fonds fournis par l’homme d’affaires controversé, on retrouve parmi les donateurs l’organisation hollandaise Vereniging Veronica dirigée par Yoeri Albrecht, un ancien journaliste qui est également membre du conseil consultatif de la branche européenne d’Open Society Foundations.
La donation de l’Unesco ne passe pas au Maroc
Mais pour une fois, ce n’est pas le soutien financier de George Soros qui fait polémique dans ce dossier. En effet, le Maroc, qui a porté plainte contre Amnesty International et Forbidden Stories, peste actuellement contre un autre donateur : l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). En 2020, l’association Freedom Voices Network avait demandé une subvention au Fonds mondial pour la défense des médias de l’Unesco.
Une requête qui, selon Jeune Afrique, a reçu un avis favorable le 12 octobre 2020. En tout, ce sont 35 000 dollars qui ont été donnés par l’Unesco à Forbidden Stories. Une somme relativement faible, comparée aux donations des fondations comme celle de George Soros. Mais la pilule passe mal du côté de Rabat.
Alors qu’en décembre dernier, le Maroc a annoncé son soutien à la candidature d’Audrey Azoulay — fille du conseiller du roi Mohammed VI — pour un second mandat à la tête de l’Unesco, Rabat n’apprécie guère la donation de l’Unesco a une association qui s’est principalement attaquée, dans son enquête, au Maroc. Forbidden Stories, sur son site, cite effectivement l’Unesco comme étant l’un de ses soutiens financiers.
Le ministère marocain des Affaires étrangères s’apprête à demander des comptes à la directrice générale de l’Unesco. Nasser Bourita dénonce, depuis plusieurs jours, un dossier « monté de toutes pièces et sans preuve aucune » contre Rabat. A propos de l’enquête « Projet Pegasus », le chef de la diplomatie marocaine y voit une opération anti-Maroc : « Est-ce une campagne ? Oui ! Est-ce du dénigrement ? Certainement ! Est-ce orchestré ? Il ne pourrait en être autrement ! Par qui ? Le temps nous le dira », dit-il.