Chaque 18 juillet, Nelson Mandela est célébré lors du « Mandela Day ». Cent-trois ans après sa naissance, que reste-t-il de l’esprit contestataire de « Madiba » ?
Le 18 juillet 1918, à Mvezo, naquit Nelson Mandela. « Madiba », comme on le surnommait, est célébré chaque année, le 18 juillet. Mais l’essence de la Journée Mandela est aussi de s’inspirer des valeurs de celui qui a marqué à jamais l’histoire de l’Afrique du Sud grâce à sa lutte contre l’apartheid. Et cette année est une période particulière pour ce « Mandela Day », puisque la fin de l’apartheid a officiellement trente ans, mais surtout l’Afrique du Sud est confrontée à des violences et à un risque de résurgence des crimes de haine. C’est en juin 1991 qu’on été abolies les lois piliers de l’apartheid, après un long combat du clan Mandela. Car l’institutionnalisation de la ségrégation raciale a duré près de cinquante ans.
En 1943, Nelson Mandela rejoint le Congrès national africain (ANC). Le Parti National unifié remportera, cinq ans plus tard, les élections générales. Dès lors, l’apartheid, déjà omniprésent dans les esprits du parti nationaliste, sera conceptualisé et surtout introduit dans les lois. C’est d’abord politiquement que Nelson Mandela combattra l’apartheid, avant d’estimer que seule la lutte armée pouvait être efficace. Dix-huit ans après son adhésion à l’ANC, alors qu’il en sera devenu le président, Mandela choisira de rejoindre l’Umkhonto we Sizwe (MK), la branche militaire de l’ANC.
Liberté, démocratie et vivre-ensemble
Malgré ce changement de cap dans sa stratégie, Nelson Mandela continuera de prôner un message de paix, celui de vouloir « une société libre et démocratique dans laquelle toutes les personnes vivraient ensemble en harmonie et avec les mêmes chances ». En août 1962, Nelson Mandela est arrêté. Après dix-sept mois de cavale, c’est la CIA qui aidera le régime sud-africain en échange de la libération d’un de ses espions. Cette année-là, dans le monde, Nelson Mandela n’est qu’un militant parmi tant d’autres. Il est encore loin de devenir le symbole de la lutte contre l’apartheid.
Mais au début des années 1980, l’épouse de Nelson Mandela, Winnie, réussit à rendre la cause internationale. En France, au Royaume-Uni et même aux Etats-Unis, « Madiba » devient le porte-drapeau de la lutte contre le régime raciste de Pretoria. Après une rencontre avec Jean-Yves Ollivier, « auto-entrepreneur en diplomatie », la femme de Mandela s’attire la sympathie de la France pour faire libérer Mandela. Au terme de négociations internationales, Mandela sera finalement libéré vingt-sept ans après être arrivé en prison. Le 11 février 1990, on sent alors l’Afrique du Sud frétiller. Un an plus tard, l’apartheid sera enfin aboli.
« Les couleurs de l’arc-en-ciel ne se mélangent pas »
Le 19 juin 1991, alors interrogé par un journaliste, Mandela exigeait « une Constitution fondée sur les principes non racistes, non sexistes et démocratiques ». « Nous croyons que cela sera possible grâce à une assemblée constituante élue sur la base d’une représentation proportionnelle et surtout par le remplacement du gouvernement actuel par un gouvernement intérimaire qui arbitre la transition », expliquait-il. Et si, à l’époque, tout semblait bouger, Nelson Mandela prévenait que « tout cela est faux. L’actuelle répartition des qualifications professionnelles, des biens et de la terre démontre que le savoir-faire et le bien-être demeurent le privilège des Blancs ».
« Madiba » savait que malgré l’abolition des lois de l’apartheid, la ségrégation raciale allait rester une réalité. Son épouse Winnie, très active dans sa libération, avait elle aussi montré tout son scepticisme quant à l’engouement mondial pour la fin de l’apartheid. « Les couleurs de l’arc-en-ciel ne se mélangent pas et qu’il n’existe parmi elles ni la couleur noire ni la blanche. La comparaison n’a donc pas de sens », disait-elle à propos de l’Afrique du Sud, que l’on tente généralement de surnommer la Nation arc-en-ciel. En 2021, Nelson Mandela aurait eu 103 ans. S’il serait ravi de voir l’ANC toujours au pouvoir en Afrique du Sud, il ne comprendrait certainement pas les dissensions au sein de son parti et la ségrégation raciale qui, à défaut d’être encore législative, existe toujours dans la réalité, puisque 20 % des foyers noirs vivent aujourd’hui encore dans une extrême pauvreté.