Depuis plus de deux ans, le Sahara occidental n’a plus d’envoyé spécial de l’ONU. Les treize candidatures proposées ont toutes été rejetées.
Après deux ans sans envoyé spécial des Nations unies dans la région, les protagonistes du dossier du Sahara occidental semblent devoir se débrouiller seuls. La vacance du poste est-elle un passage obligé avant qu’un émissaire fasse l’unanimité ? Etant donné les dissensions sur ce dossier, on imagine mal le Maroc et l’Algérie tomber d’accord. Du côté sahraoui, l’impatience est de mise. Et l’on en veut à l’ONU. Dans une interview il y a deux jours, le ministre sahraoui des Affaires étrangères, Mohamed Salem Ould Salek, a critiqué « l’action de l’ONU » qui serait, selon lui, « affaiblie par les intérêts de certains des membres permanents du Conseil de sécurité ». Pour le chef de la diplomatie sahraouie, « au lieu de faire la paix » la conduite des Nations unies « a aidé au retour de la guerre ».
Si, selon Mohamed Salem Ould Salek, « la crédibilité des Nations unies est perdue aux yeux du peuple sahraoui, qui a placé sa confiance en l’ONU et accepté d’emprunter le chemin pacifique de la paix et de l’option démocratique », force est de constater que l’organisation internationale doit, actuellement, faire du service après-vente, après la décision unanime de Donald Trump, en décembre dernier, qui avait reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, en contravention avec les demandes de l’ONU qui œuvre pour « parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ».
Les Etats-Unis confortent la décision de Donald Trump
Or, en prenant cette décision, l’administration Trump, avant son départ de la Maison-Blanche, a laissé un terrain miné à Joe Biden. Légalement, difficile pour le nouveau président américain de revenir sur l’annonce par les Etats-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. La position de Donald Trump « reste la position de l’administration » Biden, a annoncé il y a une dizaine de jours la Maison-Blanche, qui a nuancé en se disant en faveur « d’un processus politique crédible dirigé par l’ONU pour garantir la cessation des hostilités ».
Mais difficile d’imaginer l’ONU diriger un processus politique dans la région alors même que les Nations unies n’ont pas réussi à imposer un envoyé spécial depuis deux ans. Fin mai, on semblait prêt d’une issue favorable, lorsque Staffan de Mistura semblait faire l’unanimité pour être désigné envoyé spécial pour le Sahara Occidental. Rabat avait bloqué cette nomination mais demandais a priori un simple délai. Finalement, le Maroc avait bloqué l’arrivée de Staffan de Mistura, obligeant l’ONU à chercher un nouveau postulant. En tout, ce sont treize candidats qui ont été bloqués par les différentes parties.
Les Etats-Unis sont en tout cas pressés d’en terminer avec ce dossier. Joe Biden a exhorté son « Monsieur Sahara », Brett McGurk, conseiller du président américain pour le Moyen-Orient, à avancer sur le Sahara occidental. Le 2 juillet dernier, c’était à Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, de sortir du bois en demandant au Maroc et au Front Polisario de dire oui à la prochaine proposition d’un nom. « La difficulté, c’est que nous avons déjà proposé treize noms, et que nous n’avons pas obtenu le consensus des parties », déplore le patron de l’ONU.
Le statu quoi arrange-t-il le Maroc ?
Les Nations unies semblent dépendantes du Maroc et du Front Polisario. Mais difficile de mettre d’accord ces deux-là. D’autant que le royaume veut à tout prix négocier sur le dossier du Sahara Occidental avec l’Algérie, et refuse de voir la Mauritanie s’ingérer dans cette affaire. Le royaume chérifien veut également un candidat qui n’ait pas de velléités indépendantistes concernant le Sahara Occidental.
Reste désormais pour l’ONU une mission de taille : cocher un quatorzième nom qui satisferait toutes les parties prenantes du dossier. Mais cela s’annonce d’ores et déjà compliqué : le Maroc a le blocage facile, tandis que l’Algérie et le Front Polisario estiment que le royaume est le seul responsable de la situation actuelle. Pour Mohamed Sidi Omar, représentant du Front Polisario auprès des Nations unies, Mohammed VI et le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita cherchent à « ancrer le statu quo » en faisant traîner les choses.
Le point de blocage se situe effectivement du côté de Rabat, qui ne veut pas d’un envoyé spécial qui pencherait pour l’autodétermination du peuple sahraoui. Comme début 2020, lorsque le nom de Miroslav Lajcak avait été proposé. Rabat avait refusé car le Slovaque avait participé à l’organisation d’un référendum sur l’indépendance du Monténégro il y a quinze ans. Chacun cherche-t-il à imposer un candidat qui aurait son point de vue ? Pour Alger et le Front Polisario, l’idée est surtout de rééquilibrer les débats après la confirmation du soutien américain au Maroc. L’été, sur le front du Sahara occidental, sera calme. Mais dès la rentrée de septembre, l’ONU devrait proposer un nouveau nom.