Après 10 mois de prison en 2020 pour « corruption des familles et incitation à la débauche », les deux influenceuses Mawada al-Adham et Haneen Hossam ont été condamnées à nouveau à 6 et 10 ans de réclusion. Une persécution politique selon la société civile.
Incitation à la débauche et atteinte aux valeurs familiales. Ainsi le tribunal du Caire a justifié en 2020 l’emprisonnement de deux influenceuses sur TikTok et Instagram. Fin juin, les deux jeunes femmes ont été arrêtées à nouveau après avoir diffusé des vidéos de témoignages de viols. Cette fois, elles sont accusées d’exploitation sexuelle d’enfants… et de proxénétisme !
Pour ces chefs d’accusation, Mawada al-Adham et Haneen Hossam ont écopé respectivement de six et dix ans d’emprisonnement. Une peine lourde, que même la justice a qualifiée « d’exemple ». Dans l’Egypte où la répression des réseaux sociaux et de la liberté d’expression en général sévit, la société civile est en ébullition.
« Une persécution politique » selon le comité d’avocats qui s’est mobilisé pour défendre les deux jeunes femmes. Al-Adham et Hossam font partie d’une douzaine d’influenceurs arrêtés depuis 2020 pour « atteinte aux mœurs » dans le pays. Le gouvernement autoritaire d’Abdel Fattah al-Sissi, qui est arrivé au pouvoir dans un épisode sanglant de l’histoire égyptienne, s’engage sur un nouveau terrain. La répression des influenceurs a commencé depuis 2018. L’emprisonnement de Wael Abbas, Chadi Habache (mort en prison) et Sherif Gaber a provoqué une vague de manifestations, réprimées violemment à leur tour. Cependant, la manière avec laquelle al-Sissi a pris le pouvoir en Egypte est encore une mémoire récente.
Les influenceurs en Egypte, les nouvelles cibles du totalitarisme d’al-Sissi
En effet, cela fait 8 ans que le président Abdel Fattah al-Sissi a tué plus de 1600 membres présumés des Frères musulmans. Après un coup d’Etat où il a fait arrêter le défunt président Mohamed Morsi, vainqueur de l’élection présidentielle de 2012. Ce dernier est mort en prison aussi.
Depuis, les « partenaires laïques » qui ont soutenu le coup d’Etat d’al-Sissi ont connu plus ou moins le même sort. Des milliers de journalistes, bloggeurs et influenceurs ont été arrêtés pour diverses raisons. Des centaines sont partis en exil. Dont le phénomène Bassem Youssef qui, après un an de caricature du président Morsi, n’a vu son émission « Al-Bernameg » clôturée et sa vie menacée que sous al-Sissi.
Toutes les chaînes de télévision communément appelées « privées », dont la ligne éditoriale soutenait al-Sissi lors du coup d’Etat, ont été interdites. Actuellement l’Etat égyptien ne tolère que les médias pro-gouvernementaux. Et c’est le tour aux médias sociaux. Si certains arrivent à esquiver les arrestations en diffusant de l’étranger, les influenceurs égyptiens qui critiquent les problèmes sociaux se retrouvent derrière les barreaux.
Le 8 juin dernier, Rinad Imad, une autre influenceuse, a été condamnée à 3 ans de prison. Trois hommes qui travaillaient pour Mawada al-Adham seraient complices. Et ont écopé de 6 ans d’emprisonnement aussi. En 2019, le footballeur Mohamed Aboutrika a été accusé de terrorisme et condamné par contumace. Les responsables de plusieurs ONG ont fui l’Egypte après la mort sous la torture de l’étudiant italien Giulio Regeni. Selon Amnesty International, plus de 43 000 personnes ont été poursuivie ou condamnées pour des raisons politiques durant les mandats d’al-Sissi. 500 personnes ont « disparu » et sont présumées mortes. Human Rights Watch dénonce des chiffres bien plus hauts.