Au point mort, la Mission d’appui des Nations unies en Libye cherche un nouveau souffle. L’émissaire de l’ONU en Libye, Jan Kubis, voudrait recruter un numéro 2. Mais cela changera-t-il quoi que ce soit ?
En janvier dernier, la nomination au poste vacant d’émissaire de l’ONU pour la Libye avait donné lieu à un véritable imbroglio. La candidature de l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra, renommé à son poste depuis le remaniement ministériel, semblait en effet être actée. Les Nations unies et l’Union africaine avaient donné leur accord et tout semblait donc bouclé. Mais António Guterres, secrétaire général de l’ONU, avait finalement proposé la nomination du Slovaque Jan Kubis, ex-coordonnateur spécial pour le Liban. A l’époque, des sources diplomatiques évoquaient un véto des Emirats arabes unis et du Maroc, mais également de Washington, contre la désignation de Lamamra.
Le remplacement du Libanais Ghassan Salamé, démissionnaire en mars 2020, avait fait l’objet d’une série de négociations. Si bien que le poste d’envoyé spécial de l’ONU en Libye était resté vacant près d’une année. Et les tractations entre les différentes parties actives en Libye avaient donné lieu à la publication de plusieurs noms pour le poste : l’ancienne ministre du Ghana, Hanna Serwaa Tetteh, semblait un temps bien partie pour reprendre le dossier. Mais les Etats-Unis s’y seraient opposés. Washington avait ensuite proposé de diviser la fonction en deux, en créant des postes de coordinateur de la petite mission de l’ONU et d’émissaire chargé des négociations politiques. Le Conseil de sécurité de l’ONU avait alors opté pour le Bulgare Nickolay Mladenov. Ce dernier avait refusé et Kubis a donc pris le poste.
Un optimisme de façade
Mais le poste d’envoyé spécial de l’ONU en Libye a quelque chose de particulier. En 2019, lors d’une rencontre avec Ghassan Salamé, le diplomate semblait fatigué, physiquement mais aussi moralement. La situation semblait alors au point mort en Libye et le Libanais nous avait fait part de la lenteur des négociations entre les différentes parties. Quelques mois plus tard, il démissionnait. Officiellement pour raisons médicales. En off, des proches de l’émissaire expliquaient que les rivalités entre les médiateurs internationaux avaient eu raison de l’optimisme du Libanais, qui faisait face à un mur infranchissable. Les ingérences étrangères et la mollesse des discussions entre le clan Haftar et le gouvernement Fayez el-Sarraj avaient également joué en sa défaveur.
Le Slovaque Jan Kubis est donc arrivé en terrain miné. Mais le récent directeur de la réforme sécuritaire de la mission onusienne en Libye était optimiste lors de sa prise de fonctions et dans les mois qui ont suivi : « Depuis que j’ai pris mes responsabilités au début du mois de février, une succession de réalisations des parties prenantes libyennes a montré que des divisions autrefois apparemment insurmontables peuvent être surmontées avec une volonté politique déterminée et une réceptivité aux demandes et aux aspirations du peuple libyen », indiquait-il en mars.
Les échecs de l’UNSMIL
La double-mission du diplomate slovaque, en plus des pourparlers et du maintien du cessez-le-feu, s’annonce pourtant difficile. Kubis a en effet en charge les processus de désarmement-réintégration (DDR) et la réforme des institutions sécuritaires (SSR). Malgré un optimisme de façade, le Slovaque semble aujourd’hui confronté à un autre problème : la difficulté de recruter un chef du service de la réforme sécuritaire. Le Libanais Salim Raad occupe ce poste depuis 2013. En 2017, des membres de la société civile avaient demandé son renvoi. Raad avait tenu bon.
Mais le manque de résultats du Libanais devrait avoir raison de lui. D’autant que, en Allemagne lors de la conférence Berlin II, les résultats de la Mission d’appui des Nations unies en Libye (UNSMIL) n’ont pas convaincu. Si bien que plusieurs parties prenantes du dossier libyen demandent d’ores et déjà le report des élections prévues en décembre. L’UNSMIL « s’est transformée imperceptiblement en tutelle sur la Libye, sans bases juridiques claires », déplore le chercheur Moncef Djaziri qui déplore également le manque de résultats de la Mission.
Une carte à jouer pour l’Union africaine
Plusieurs objectifs de l’UNSMIL n’ont pas été atteints, comme la réunification de l’armée, la non-reconnaissance par le maréchal Haftar du commandement de l’armée rattaché au Conseil présidentiel de Mohamed el-Menfi ou encore la désignation d’un ministre de la Défense. Ce dernier point montre que même au sein des institutions actuelles, la mésentente est omniprésente. Le président, le Premier ministre et le chef de la Chambre des représentants sont en effet en désaccord. Enfin, alors qu’un départ des forces étrangères turques, russes, syriennes, soudanaises ou encore tchadiennes a été promis, rien n’a avancé sur ce plan.
Autant d’objectifs non atteints qui montrent à quel point la mission du diplomate slovaque est bloquée. Voilà déjà plus d’un mois que Jan Kubis s’est lancé à la recherche de son nouveau numéro 2. On l’a vu avec sa propre nomination : trouver une personnalité qui fasse consensus est quasiment mission impossible. Et si cette recherche aboutit, il faudra avant tout mettre d’accord les Etats-Unis, les Emirats ou encore le Maroc.
Ce statu quo de l’UNSMIL montre les limites de la recherche actuelle de solutions en Libye. Et laisse la porte ouverte à l’Union africaine, jusque là trop peu consultée sur le dossier libyen. Le retour de Ramtane Lamamra à son poste de ministre des Affaires étrangères en Algérie montre la volonté de certains pays d’accélérer la mise en place d’une solution africaine au conflit libyen. Ce dossier serait l’une des priorités d’Alger. Mais aussi de Brazzaville. Le président congolais Denis Sassou N’Guesso, par ailleurs président du Comité de haut niveau de l’Union africaine sur la Libye, multiplie les rencontres, ces dernières semaines, et semble tout faire pour redonner une place de choix à l’UA dans ce dossier qui s’est enlisé sous l’égide des Nations unies.