Une fondation britannique veut « réensauvager » un troupeau d’éléphants au Kenya. Mais le gouvernement de Nairobi goûte peu à l’opération.
A première vue, l’initiative est louable. treize éléphants du Howletts Wild Animal Park, dans le sud de l’Angleterre. En début de semaine, la fondation Aspinall indiquait vouloir faire voyager un troupeau de treize éléphants, présents depuis plus d’un demi-siècle dans le parc animalier du Howletts Wild Animal Park, dans le Kent, vers le Kenya. Après avoir connu une vie de captivité, la fondation espère leur rendre leur liberté dans un endroit propice pour les Eléphantidés. Un grand projet de « réensauvagement » qui a fait la une des journaux britanniques. Il faut dire que la responsable communication de la fondation n’est autre que Carrie Johnson, l’épouse du Premier ministre.
L’opération a pris des allures de safari international : les treize éléphants doivent en effet être transportés par avion — à bord d’un Boeing 747, surnommé « Jet Dumbo » — sur plus de 7 000 km dès l’année prochaine. Ils seront ensuite introduits dans un lieu secret, dans lequel ils passeront six mois pour se familiariser avec leur nouvel environnement. Puis les éléphants seront libérés. Une opération inédite. Mais dont l’annonce a légèrement agacé les autorités kényanes.
Et pour cause : en apprenant la nouvelle par la presse britannique, le ministère kényan du tourisme et de la faune a affirmé qu’il n’était pas au courant de cette opération et a fait part de son « inquiétude ». Dans un communiqué de presse, le ministère à tenu à « préciser que ni lui ni le Kenya Wildlife Service n’ont été contactés ou consultés à ce sujet ». Or, expliquent les autorités kényanes, « la relocalisation et la réacclimatation d’un animal provenant d’un zoo ne sont pas faciles et sont une affaire coûteuse ». Qui prendra en charge ce « réensauvagement » ? Pour le moment, cette information n’a pas été diffusée.
Une réintroduction qui ne répond pas aux règles de l’UICN
Mais d’ores et déjà, le Kenya semble frileux à l’idée de participer à cette opération. Car qui dit arrivée d’éléphants sur son sol dit mesures coûteuses. Menacés d’extinction, les éléphants sont en effet soumis à une règlement stricte de la part de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). « Les réintroductions sont en général des projets de longue haleine qui requièrent un engagement financier et politique à long terme », explique l’UICN, qui estime par ailleurs qu’il convient de « réaliser des études socio-économiques afin d’évaluer les impacts, le coût et les avantages du programme de réintroduction pour les populations humaines locales ».
L’UICN préconise, dans le cas de réintroduction d’animaux, des études de faisabilité, une évaluation du site de réintroduction ou encore une évaluation de la politique relative à la réintroduction et à l’espèce concernée menée par le pays. Or, dans le cas des éléphants du Howletts Wild Animal Park, le Kenya semble ne pas avoir été consulté.
La population d’éléphants dans la savane africaine a, lors du demi-siècle passé, diminué d’au moins 60 %. Si l’espèce est bel et bien en danger et qu’elle fait partie de la liste rouge établie par l’UICN des espèces menacées, le « réensauvagement » des éléphants n’est pas une mince affaire. Et si la fondation Aspinall assure avoir travaillé avec des équipes antibraconnage et avoir déjà réussi de telles opérations avec des gorilles ou encore des rhinocéros noirs, le Kenya risque bien d’opposer son veto à une action qu’il ne cautionne pas… pour le moment.