Bruxelles a entériné le retour des œuvres d’art volées à la RDC pendant la colonisation. Une mesure symbolique, qui ne concerne que 1 % des objets entreposés au Musée d’Afrique centrale de Tervuren.
Près de 90 % du patrimoine culturel africain se trouve aujourd’hui à l’étranger. Et en Europe plus particulièrement, où les œuvres d’art volées pendant la période coloniale est stockée dans les musées, en France, en Belgique et dans bien d’autres pays. En février dernier, alors nouvellement nommé président de l’Union africaine, Félix Tshisekedi s’était donné une année pour atteindre ses objectifs, parmi lesquels la restitution des œuvres d’art africain. Et si le Bénin et le Sénégal avaient déjà débuté, avec la France, des négociations qui avaient bien avancé, la République démocratique du Congo de Tshisekedi n’en était qu’aux prémices d’un accord avec la Belgique.
En 2019, le président de la RDC s’était positionné en faveur d’un retour des « trésors du patrimoine artistique congolais » chez lui, alors que les œuvres étaient, jusque là, détenues par le Musée d’Afrique centrale de Tervuren, en Belgique. S’il affirmait vouloir que ces trésors soient « restitués au Congo », Félix Tshisekedi savait qu’il s’agissait d’un long parcours du combattant. Mais ce mardi 6 juillet, l’opération de restitution des œuvres d’art à la République démocratique du Congo par la Belgique a fini par débuter.
Le gouvernement belge a en effet donné raison à la RDC et a fini par décider que toute les œuvres qui avaient été acquises « par la force et la violence, dans des conditions illégitimes » allaient devoir reprendre la direction du Congo. Un premier pas, mais on est loin d’un retour complet de tout le patrimoine congolais. Car la décision belge implique une étude pour chaque œuvre d’art : les pièces volées pourront revenir en RDC, tandis que celles qui auront fait l’objet d’une transaction commerciale resteront en Belgique. Un véritable travail de fourmi qui risque d’être fastidieux, d’autant que l’on manque cruellement de données sur la plupart des pièces.
La dent de Patrice Lumumba, tout un symbole
Direction, donc, pour certains trésors, le Congo. C’est le nouveau Musée national (MNRDC) de Kinshasa qui, deux ans après son ouverture, accueillera les pièces en provenance de Belgique. Reste cependant une inconnue de taille : les conditions de restitution. « C’est une chose de demander la restitution des objets, c’en est une autre de les conserver correctement, affirmait il y a plusieurs mois Félix Tshisekedi. L’idée est donc là, mais il faut le faire progressivement ».
De toute façon, la Belgique ne semble pas pressée de rendre les fameuses œuvres. Et pour cause, sur les 85 000 œuvres du Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren à peine 900 sont considérées comme des « butins de guerre » ou des objets arrivés « illégalement » en Belgique. Et en termes de calendrier, Bruxelles a déjà prévenu qu’il faudrait énormément de temps. La Belgique a fixé à 2024 la date limite de restitution des objets congolais.
Un geste important pour la réconciliation, plus d’un siècle après la colonisation du Congo par la Belgique et six décennies après son indépendance. Une réconciliation qui ne donnera pas lieu à une quelconque cérémonie ou à un acte symbolique, ont prévenu les autorités belges qui veulent agir dans la discrétion pour éviter tout excès de « paternalisme », selon les propres mots du secrétaire d’Etat Thomas Dermine.
Parmi les pièces qui doivent revenir à Kinshasa, la dent de Patrice Lumumba. Une œuvre pour le moins symbolique, alors que la famille de l’ancien Premier ministre congolais attend, cette année, un procès à Bruxelles contre l’Etat belge et certaines personnalités qu’elle accuse de « complicité dans un vaste complot visant à l’élimination physique » de Lumumba. La relique du père de l’indépendance congolaise, assassiné avec l’aide de la Belgique en 1961, devait revenir en RDC en juin dernier, mais pour cause de pandémie, son retour sera effectif en 2022.