Emmanuel Macron a reçu, dimanche, son homologue tchadien Mahamat Déby. Selon la présidence du Niger, Mohammed Bazoum sera aussi en visite à Paris le 9 juillet. A quoi doit-on ce regain de rencontres franco-sahéliennes ?
Après avoir essuyé quelques revers diplomatiques en Afrique, Emmanuel Macron chercherait-il à réimposer « sa » Françafrique ? Après la crise entre le Mali et la France, les chefs d’Etat africains ont, pour la plupart, boycotté le Forum Génération Egalité. A l’exception du président kényan Uhuru Kenyatta, aucun des dix-sept présidents africains ayant fait le déplacement à Paris pour la dernière édition du Forum n’a montré sa volonté d’y participer à nouveau cette année.
Et ce n’est pas fini. Car après la visite nullipare de Jean-Yves Le Drian au Burkina Faso, la France regarde maintenant, de loin, le Gabon rejoindre le Commonwealth. A tout ceci s’ajoute le refus de l’intervention militaire française par Roch Marc Christian Kaboré. Et du côté de New York, Paris doit même, pour la première fois, faire face à une résistance colossale au Conseil de sécurité de l’ONU sur le dossier centrafricain, notamment après une intervention choc du président angolais João Lourenço devant les Nations unies. L’ONU a donc décidé de lever l’embargo sur la RCA et ce sont désormais les Etats-Unis qui mettent la pression sur Touadéra, au nez et à la barbe d’Emmanuel Macron.
Après tant de revers, et d’autres qu’il a essuyés en 2021 et bien avant, le président Macron croise les doigts pour que la conjoncture devienne plus à son avantage. Tour à tour, la France a annoncé la reprise de ses opérations militaires avec le Mali. Puis Emmanuel Macron a reçu Mahamat Déby, le président du Tchad, à l’Elysée. Enfin, il recevra le président du Niger Mohamed Bazoum, le 9 juillet.
De la Françafrique à la Macronie africaine
La diplomatie française a, selon les présidences, toujours été plus ou moins agressive en Afrique francophone. Depuis le début de son mandat, Emmanuel Macron est largement décrié par les observateurs. Pour preuve, dans le dossier du CFA, les économistes ont largement critiqué la politique de Paris vis-à-vis de la future monnaie unique, l’ECO. La perte d’influence de la France sur le plan commercial fait également beaucoup parler. Paris perd du terrain face à la Turquie, la Chine ou la Russie dans plusieurs pays africains francophones, ce qui dénote avec les prédécesseurs d’Emmanuel Macron à l’Elysée.
De plus, au niveau militaire les « forces antiterroristes » françaises sont très contestées. Notamment à cause de l’inefficacité de Barkhane, des bombardements de civils et des négociations avec les terroristes. Durant le mandat d’Emmanuel Macron, les militaires français ont été éjectés des théâtres nigérian, burkinabé et, plus récemment, malien. Et malgré le retour des opérations conjointes franco-maliennes, Emmanuel Macron sait pertinemment que sa position n’est pas tenable au Sahel. La promotion de la « coopération internationale », avec la task-force européenne Takuba en fer de lance, fait déjà polémique.
La politique africaine de Macron est, de plus, parfois difficilement lisible : le soutien du président français pour le chef de la junte tchadienne Mahamat Déby, fils du défunt président Idriss Déby, n’a pas manqué d’étonner quand on sait à quel point Emmanuel Macron a multiplié les déclarations à Assimi Goïta au Mali. Certes, le Mali a, de peu, évité un isolement total grâce à l’intervention des deux chefs d’Etat congolais et ghanéen, Denis Sassou N’Guesso et Nana Akufo-Addo. Mais il a fallu que ces deux-là tiennent tête au président français.
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Le vieil empire français perd son emprise sur l’Afrique
Au Mali, Emmanuel Macron a d’ailleurs multiplié les impairs. Avant qu’Assimi Goïta ne reprenne le pouvoir, Emmanuel Macron avait mis en avant le président togolais, Faure Gnassingbé, qu’il avait placé comme médiateur officieux de la transition malienne. Mais depuis l’investiture de Goïta, Gnassingbé semble être devenu persona non grata aussi bien en France que dans sa propre sous-région.
A l’image d’Ali Bongo Ondimba, qui a opté pour l’intégration de son pays, pourtant francophone, au Commonwealth, Faure Gnassingbé intente la même procédure et le Togo frappe désormais à la porte du Commonwealth. Il semblerait donc que les chefs d’Etat africains déçus par la France d’Emmanuel Macron aient désormais le choix entre trois voies : les uns, comme le président burkinabé Kaboré, cherchent à rallier leurs voisins immédiats en Afrique ; d’autres, comme Touadéra en RCA et Goïta au Mali, se lient progressivement d’amitié avec le premier rival géostratégique de la France, la Russie ; pour les autres, comme Bongo, et dans le futur, Gnassingbé, ils tentent de contourner la France en direction de son voisin d’outre-Manche.
Néanmoins, l’on peut observer une quatrième catégorie de chefs d’Etat africains qui ont décidé de ne plus faire de concessions quant à leur souveraineté, malgré une ancienne proximité avec la France. Certes, des pays comme l’Angola ou l’Algérie sont historiquement difficiles à soumettre. Pour Denis Sassou N’Guesso, tenir tête à la France semble être relativement récent. Force est de constater que le Congo-Brazzaville est, depuis, diplomatiquement montée en puissance en Afrique. Sur les dossiers libyen et malien ou sur les relations avec la Chine, Sassou N’Guesso montre un sens de l’initiative et un équilibre souverain inédits.
Macron peut-il sauver la face ?
Face à des nouveaux paradigmes diplomatiques, Emmanuel Macron tente d’éviter le fiasco. En ne changeant toutefois pas les méthodes de l’Etat français. Mais les amis africains de Paris étant de plus en plus indépendants, pour élargir sa sphère d’influence en Afrique, Macron doit désormais s’appuyer sur les derniers alliés de circonstance. Si la France a perdu de son pouvoir en RCA, au Mali et dans une moindre mesure au Burkina Faso, elle fait encore acte de présence dans d’autres pays. En Afrique subsaharienne, on peut notamment citer le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Niger et le Tchad.
Or, dans le cas du Tchad, le décès d’Idriss Déby a mis Emmanuel Macron dans une mauvaise posture. Si le défunt président maintenait les intérêts français à flot, il était aussi doté d’une légitimité historique. Et ce n’est clairement pas le cas de son fils Mahamat Déby. Pour le président français, le Tchad est le premier allié militaire de la France au Sahel, ainsi que le chef de file de la stratégie militaire occidentale dans la région. La gêne que provoque le soutien français au jeune putschiste doit beaucoup à l’utilité de Mahamat Déby en vue de la sauvegarde de la stratégie militaire de Macron.
Quant au Niger, l’offensive terroriste arrange clairement les intérêts français. Car la présidence de Bazoum est proche d’être mort-née. Le dauphin de Mahamadou Issoufou n’est pas à la hauteur de son éminent prédécesseur. Aux niveaux économique, sécuritaire, diplomatique et même sur le plan du charisme, Bazoum n’a pas réussi à s’affirmer, mais il a réussi à maintenir une souveraineté nigérienne de fait. Il est donc logique que Macron tente de s’adjuger les faveur de son homologue nigérien, afin de consolider son influence à Niamey.
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