C’est officiel. Choguel Maïga sera le Premier ministre du Mali. Son arrivée menace toutefois, selon la CMA, la tenue de l’Accord d’Alger. Au niveau international, l’UA a suspendu le Mali.
Le mouvement M5-RFP a désigné son chef, Choguel Maïga, pour le poste de Premier ministre du nouveau gouvernement malien. Après les pourparlers entre le mouvement, la junte malienne (CNSP) et les sympathisants de l’imam Dicko (CMAS), les trois parties formeront le nouveau gouvernement.
Toutefois, l’ancien mouvement rebelle, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), semble en panique. La CMA a demandé que les autorités de la transition lui donnent des garanties quant au maintien de l’Accord d’Alger. Pour rappel, cet accord garantit la paix entre le gouvernement et plusieurs groupes armés, dont la CMA.
Sur un autre plan, il semblerait que l’Occident soit plus influent que la CEDEAO auprès de l’Union africaine (UA). Après plus d’une semaine de pression dans les coulisses des palais présidentiels et des instances internationales, l’UA a décidé de sa position envers le coup d’Etat. Selon un communiqué, l’UA « suspend immédiatement la République du Mali de sa participation à toutes les activités de l’UA », lit-on. L’instance a même haussé le ton, demandant à l’armée de se retirer « urgemment et inconditionnellement ». Enfin, l’UA menace d’imposer « des sanctions ciblées et d’autres mesures punitives ».
La décision de l’UA, publiée hier soir, intervient deux jours après celle de la CEDEAO. La Communauté économique a suspendu le Mali aussi, mais elle a annoncé qu’aucune sanction ne serait entreprise. Or, cette position n’était pas de commun accord entre tous les Etats de la CEDEAO. Certains pays membres, surtout la Côte d’Ivoire, voulaient imposer des sanctions. Cependant, les deux décisions ne semblent pas animer l’opinion publique malienne.
L’Azawad, une affaire interne dont dépend l’unité nationale
Néanmoins, la déclaration de la CMA, elle, a de l’influence au Mali. Elle est d’autant plus étrange lorsqu’on sait que la CMA s’était rapprochée d’Assimi Goïta vu leur position commune contre le bombardement français à Gao en mars. C’est un étendard sous lequel Goïta a rassemblé deux antagonistes naturels, le M5-RFP et l’imam Dicko.
Or, la CMA n’a réagi au coup d’Etat du 24 mai qu’après la nomination officielle de Choguel Maïga. Selon le mouvement, l’Etat doit présenter des gages sur l’application des accords de 2015. L’Accord d’Alger garantissait à la CMA le contrôle administratif du Kidal et de Gao, contre le maintien de la paix dans l’Est. Il avait été établi grâce à l’intervention des renseignements algériens, et ensuite de l’ex-président Bouteflika auprès d’IBK.
En février, c’était Goïta lui-même qui devait se déplacer au Kidal en qualité de vice-président de la Transition. Cependant, la délégation de la CMA avait mal interprété son absence, due aux conditions météorologiques. En effet, l’avion d’Assimi Goïta n’avait même pas pu décoller. Toutefois, un accord a été atteint en mars grâce à la médiation du ministre Koné et, une autre fois, de l’Algérie.
La classe politique présumait donc que la CMA serait d’accord avec le triumvirat malien. Surtout en considérant que la CMA n’a jamais voulu participer à la formation du gouvernement. Selon des sources proches du dossier, c’est justement l’accord de la primature au profit de Choguel Maïga qui dérange. Donc, une intervention d’Assimi Goïta, en bons termes avec la CMA, n’aiderait pas particulièrement. Il faudrait que Maïga ou le M5-RFP apaisent la CMA.
Le mouvement est très influent dans l’Est malien. Il contrôle aussi les routes vers Gao, et se trouve souvent en première ligne dans la lutte antiterroriste. C’est aussi la seule partie malienne, hormis le HCIM, avec une légitimité populaire.
Que peut faire l’UA pour entraver la transition au Mali ?
Au niveau de l’Union africaine (UA), le communiqué de la veille pourrait causer quelques soucis. En effet, si la CEDEAO ne pouvait simplement pas se permettre de froisser le Mali, l’UA est une autre paire de manches. Plusieurs pays membres de la CEDEAO dépendent du marché malien dans le cadre d’accords commerciaux. On note d’ailleurs que les pays qui ont exprimé publiquement leur condamnation du coup d’Etat n’étaient pas liés par de tels accords.
L’UA, présidée par le président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, a un rôle plus politique. En l’occurrence, l’UA pourrait déterminer l’essor du retrait des forces armées de la France au Mali. L’opération Barkhane est aussi au milieu des discussion. Le président français, Emmanuel Macron, avait « menacé » de retirer les militaires français. Il incombe traditionnellement à l’UA de définir le calendrier de ce retrait avec Bamako et Paris.
Si les Français décidaient d’attaquer les fiefs des groupes armés avant de commencer le rapatriement de leurs soldats, c’est aussi une escalade que le Mali devra gérer à posteriori. Autrement, le nouveau gouvernement devra composer avec des terroristes qui réclament des concessions. Cela donnerait l’opportunité à Macron de mobiliser la presse contre le gouvernement malien. Un tel évènement a eu lieu en marge de l’élection au Burkina Faso.
Autrement, l’UA n’a pas spécifié les « sanctions » qu’elle serait prête à imposer. Puis, quand bien même de telles résolutions soient mises sur la table, ce sera à l’Assemblée de l’UA d’en décider. Donc, la Commission de l’UA ne serait pas une menace immédiate à la transition malienne.
Dès que Choguel Maïga annoncera son gouvernement, l’Etat malien devra tout de même lisser ses rapports avec les instances internationales. Qu’elles soient financières, politiques, humanitaires ou sécuritaires, les Maliens en dépendent grandement.