Depuis qu’Assimi Goïta a déclaré sa prise de pouvoir ce mardi, les condamnations internationales fusent, pour son arrestation du président et du Premier ministre. Au Mali, la situation est plus calme.
L’ancien putschiste malien Assimi Goïta a officiellement pris le pouvoir après l’arrestation du président et du Premier ministre. Il a déclaré avoir « déchargé de leurs prérogatives » Moctar Ouane et Bah N’Daw. Selon lui, la raison de ce nouveau coup d’Etat serait une volonté des deux chefs d’enfreindre la charte de la transition. Le président N’Daw avait limogé puis reconduit Moctar Ouane sans consulter Goïta. Ensuite, lors de la nomination du nouveau gouvernement, deux membres de la junte, et partenaires immédiats de Goïta, ont été éjectés sans son accord. A leur place, le Premier ministre a nommé un ministre de l’Intérieur et un ministre de la Défense proches de l’Occident.
Or, la charte de la transition mentionnait clairement que les membres du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) choisiraient les détenteurs de quatre portefeuilles ministériels, dont ceux unilatéralement changés par Ouane. On lit sur un communiqué préalable de l’armée : « Le vice-président de la transition s’est vu obligé d’agir pour préserver la charte de transition et défendre la République ».
Il s’agirait donc d’une affaire souveraine selon Goïta, bien que la procédure reste agressive. On note aussi l’absence des manifestations, et la préparation de Choguel Maïga, un opposant civil, pour devenir Premier ministre. Toutefois, la réaction immédiate de la communauté internationale porterait à croire que les faits soient autres.
Un conseil M. le Colonel : Sachez que le #Mali est désormais le pays de toutes les éventualités, et de toutes les possibilités. Tout est possible méditez là dessus pic.twitter.com/YAj3LsBJz1
— Bakary KOUYATE (@kbakary) May 25, 2021
Condamnation internationale
En effet, les dirigeants de l’Union européenne (UE), la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et les Etats-Unis ont condamné les arrestations promptement et avec insistance. Ces institutions ont appelé à la « libération immédiate et inconditionnelle » de Bah N’Daw et de Moctar Ouane. Ensuite, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a lancé un appel au calme, et a réitéré la demande des autres institutions. Plusieurs pays africains, alliés de la France, ont menacé de sanctions. La Cédéao a envoyé hier Goodluck Johnathan, l’ex-président nigérian, afin qu’il négocie la libération de Bah N’Daw.
Le ministre français des Affaires Etrangères, Jean-Yves Le Drian, a organisé un sommet européen en urgence. Lors de ce sommet, Macron a pris la parole pour déclarer : « Ce coup d’Etat, par les putschistes, est inacceptable, nous prendront des sanctions contre les auteurs ». Une réaction étrange, du même chef d’Etat qui avait pleuré un putschiste au Tchad, et a validé sa succession par son fils, un autre putschiste. Il est cependant compréhensible que la France panique à l’idée de perdre ses soutiens dans le gouvernement malien.
Sans le soutien du gouvernement, la France perdrait aussi le peu de légalité dont son armée disposait au Mali. En effet, les forces de Barkhane ont intensifié le bombardement de civils ces derniers mois. Leur mandat étant la lutte contre les groupes terroristes, les soldats de Barkhane nécessitaient l’intervention officieuse du gouvernement malien. Ce serait le seul moyen pour que Barkhane se dédouane d’éventuelles accusations de crimes de guerre. Les deux ministres limogés par Moctar Ouane, ainsi que le nouveau chef d’Etat malien de facto, Assimi Goïta, avaient expressément condamné ces crimes.
Macron aboube un coup d’Etat au Tchad en faisant personnellement le voyage de Ndjamena mais ne s’embarasse le moins du monde en décriant au coup d’Etat au Mali en appelant aux sanctions ciblées contre les putchstes. pic.twitter.com/wkLuYIH6j5
— Le Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad (@leFact) May 25, 2021
Une réaction beaucoup plus placide au Mali
Néanmoins, la tentative de médiation de la Cédéao n’a pas encore donné de ses nouvelles. Le président de l’UA, Félix Tshisekedi, s’est contenté de condamner « toute action visant à déstabiliser le Mali ».
Cependant, trois parties influentes au Mali ont réagi différemment. D’abord, le leader politico-religieux, l’imam Mahmoud Dicko, a appelé à « suivre les événements ». Ses sympathisants ont demandé à leur base de « rester mobilisée à toutes fins utiles ». Du côté du Mouvement 5 juin (M5), le regroupement de l’opposition politique, le silence est assourdissant. La possible nomination de Choguel Maïga mettrait les militants M5 d’accord avec la prise de pouvoir de Goïta. Enfin, l’Union nationale des travailleurs de Mali (UNTM) a suspendu sa grève. Selon le syndicat, depuis le coup d’Etat du lundi, il n’aurait plus d’interlocuteurs. Toutefois, une réunion s’était tenue entre les chefs de l’UNTM et Assimi Goïta il y a deux semaines.
Un coup d’Etat, donc, qui n’a pas causé la révolte des Maliens. Au niveau national, tout semble calme. Ce qui pourrait être interprété comme une résignation, ou comme une approbation. La réaction véhémente de la France et de ses alliés soulève, quant à elle, des questions. Paris accepterait-elle que les Maliens décident du sort de leur pays ?
L'hypocrisie Macronie ‼️
Jugez de vous même !#Tchad #Mali pic.twitter.com/M4F6Of6DKh— Mounkaila Abdou sani🇳🇪🇵🇸 (@MounkailaSani1) May 25, 2021