Alors que la France a commémoré le bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte, le débat a notamment porté sur le rétablissement de l’esclavage dans les colonies françaises en 1802.
Ce mercredi 5 mai, la France commémorait le bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte. Un événement qui a été l’occasion pour les historiens de parler du premier empereur des Français et de son parcours. Dix-neuf ans avant sa mort, en 1802, Napoléon Bonaparte avait rétabli l’esclavage dans les colonies françaises. Difficile dans ces conditions d’être dithyrambique concernant le bilan de bâtisseur et d’initiateur du Code civil. D’autant que, en 1794, l’abolition de l’esclavage avait été votée par la Convention.
Lors de son hommage à Napoléon, le président français Emmanuel Macron a estimé que le rétablissement de l’esclavage dans les colonies avait été « une faute, une trahison de l’esprit des Lumières ». Interrogé par Europe 1, l’historien Pierre Branda assure de son côté que Napoléon a regretté sa politique aux Antilles, qui reposait économiquement sur l’esclavage. Il affirme par ailleurs qu’« on peut penser que, malheureusement, dans la société telle qu’elle était faite, même sans Bonaparte, le rétablissement de l’esclavage était assez probable ».
Car selon des spécialistes de l’empereur, en 1802, alors que l’esclavage n’est plus d’actualité en Guadeloupe, cette pratique existe toujours en Martinique, un territoire qui était britannique avant que la France ne le récupère. Napoléon est alors mis sous pression par le lobby des sucriers. L’empereur des Français signe alors un arrêté stipulant que « la colonie de la Guadeloupe (…) sera régie, à l’instar de la Martinique (…) par les mêmes lois qui y étaient en vigueur en 1789 ». Pendant près de six décennies, l’esclavage sera donc rétabli avant d’être définitivement aboli.
Mais peut-on pardonner à Napoléon cette décision et accuser les marchands de sucre ? Quoi qu’il en soit, rappelle l’historien Jean-Pierre Le Glaunec, dans les mois qui ont suivi la signature du décret, « Napoléon a ordonné le départ d’une puissante expédition militaire vers Saint-Domingue (Haïti) avec l’objectif d’y rétablir l’esclavage ». L’empereur a répondu favorablement aux exigences du lobby colonial. « Cette colonie incarne le succès du capitalisme racial. Elle assure à la France d’important revenus. En ce début du XIXeme siècle, le lobby colonial est particulièrement puissant autour de Napoléon », continue l’historien. Sa décision de rétablir l’esclavage a également permis à Bonaparte d’assouvir son ambition de restaurer un empire français dans les Amériques.
Une prise de conscience bien trop tardive
Aujourd’hui, le bicentenaire de la mort de Napoléon permet de revenir sur cet épisode douloureux de l’histoire de France. « Mais il y a beaucoup de résistance dans les milieux napoléonistes pour reconnaitre que la race, la construction des différences raciales est au cœur de la politique étrangère napoléonienne », admet Jean-Pierre Le Glaunec. Car au-delà de la question esclavagiste, c’est celle du racisme de Napoléon qui se pose. L’historien est donc « surpris de lire dans des journaux français de la part d’historiens français que le rétablissement de l’esclavage par Napoléon n’avait rien à faire avec la race et le racisme ».
Si, par la suite, Napoléon assurera qu’il a commis une faute, « tout ça ne l’excuse pas, évidemment pas », conclut Pierre Branda. Car Napoléon ne s’est jamais vraiment excusé d’avoir rétabli l’esclavage. Il a plutôt voulu rappeler la catastrophe militaire provoquée par sa soif de conquête dans les Antilles. Or, ces nombreuses batailles et ce développement économique de la France dans cette région du monde a également été une catastrophe humaine.
Il faudra attendre son exil pour que Napoléon Bonaparte se rende compte de cette tâche sur son parcours. Pour Charles-Eloi Vial, docteur en histoire et conservateur à la Bibliothèque nationale de France, « ce n’est qu’après qu’il réfléchit sur ce qu’il a fait et se rend compte, peut-être, qu’il a eu tort. A Sainte-Hélène, il se rend compte que la postérité va lui reprocher ce rétablissement de l’esclavage. Il essaye même de faire affranchir des esclaves, parce qu’il essaye en quelque sorte de rattraper le coup ». Une prise de conscience bien trop tardive.