Les soldats français impliqués dans le génocide des Tutsi rwandais en 1994 ne seront finalement pas jugés. Après que le parquet a demandé le non-lieu, il semblerait que les réfugiés massacrés n’auront pas de justice en France.
Un réquisitoire signé par le parquet parisien pourrait sceller à tout jamais le dossier du génocide Tutsi. En effet, après 15 ans du dépôt de la plainte, il semble que la complicité française dans le massacre de 1994 ne sera même pas débattue devant les tribunaux.
En juin 1994, l’ONU avait autorisé l’armée française à déployer 2500 soldats au Rwanda. L’ordre de mission stipulait de : « ne pas combattre le FPR ni soutenir le FAR ». L’objectif de l’ONU était alors de soutenir les intérêts français, sans pour autant que des morts civils ne lui incombent. Les soldats français ne devaient alors pas aider les troupes gouvernementales afin d’éviter l’implication dans les meurtres.
Or, selon le dossier de l’affaire, l’armée française aurait délibérément dénoncé la présence de 2000 Tutsis aux Forces armées rwandaises (FAR) à Bisesero. Tous ces civils ont été exécutés par la suite. Le nombre de réfugiés, ainsi que l’essor de cette affaire, ont fait l’objet de témoignages des militaires français. Selon les associations qui ont amorcé la plainte, la complicité des troupes française est certaine et documentée. Toutefois, les versions des faits divergent sur quel groupe a appuyé sur la détente. D’ailleurs, les télégrammes diplomatiques et les notes confidentielles qui figuraient dans le rapport de Vincent Duclert confirment l’implication française.
Les crimes français ne seraient pas prévus par la loi
Même si les médias français insistent sur le contraste entre responsabilité et complicité, les faits sont inquiétants. Les procureurs français avaient des preuves plus que suffisantes, de sources rwandaises et françaises, entre leurs mains. Les soldats français ont empêché les réfugiés tutsis de poursuivre leur exode. Ensuite, c’était l’armée française qui les a remis entre les mains de l’armée rwandaise. La non-assistance, à elle seule, constitue un crime contre l’humanité selon le droit en vigueur en 1994.
Certes, le droit pénal n’est pas rétroactif, sauf état d’exception. Toutefois, les crimes contre l’humanité, eux, sont imprescriptibles. Donc, contrairement aux déclarations du parquet, la loi est bien applicable sur les soldats de l’opération Turquoise impliqués. D’abord, le crime d’entente en vue de commettre un génocide n’a pas été créé par la loi du 6 août 2004, comme le prétend le procureur français. La loi précédente de 1915 reconnait la non-assistance dans son texte. De plus, ce n’est pas au parquet de juger de la recevabilité d’une plainte de cette ampleur.
Dans la mesure où les faits relatés constituent un crime, la justice devait suivre son cours. Le texte de 1915, relatif au génocide arménien, cite bien son champ d’application. Ce dernier est défini par la loi de 2001 : « l’article 1e de la loi déférée réprime la contestation ou la minimisation de l’existence de crimes de génocide ». Cette explication est bien rétroactive, car l’incrimination était établie. Le dossier devrait donc être soumis à l’appréciation du juge de fond. Ensuite, la loi nationale française ne devrait pas primer sur le Droit International. La loi de 1945 comprend les attaques généralisées dirigées contre les populations civiles. Aucune distinction n’est faite sur le niveau de participation, ce qui devrait profiter aux victimes.
Le non-dit ne peut être oublié
Le parquet français, lui, n’a pas jugé le dossier recevable. Afin d’expliquer ce choix, il s’est contenté de déclarer : « le dossier compte plus de 17 000 côtes, regroupées en 28 tomes. ». En d’autres termes, malgré son ampleur, le dossier ne mériterait pas qu’un magistrat français juge de sa pertinence. Non seulement cette déclaration pourrait être interprétée comme de la paresse de la part du parquet, mais elle bafoue 15 ans de lutte juridique. Cela fait longtemps que les familles cherchent une première accusation des responsables du génocide Tutsi.
Or, si la partie civile rwandaise est allée porter plainte en France, c’était bien par nécessité. La justice française est la seule partie mandatée pour interroger l’autorité militaire. Excepté, bien sûr, le pouvoir exécutif français, qui ne cherche que de justifier les crimes de ses militaires.
Avant tout, malgré son récent rapprochement avec Macron, le président rwandais Paul Kagame continuera de demander une reconnaissance française officielle. Le rapport du 27 mars, après la décision du parquet, s’est manifesté comme un acte symbolique envers le Rwanda. Les 2500 soldats français n’ont pas empêché le massacre de 800 000 personnes en 1994. Ce qu’ils faisaient au Rwanda ne peut donc pas être considéré comme une mission humanitaire. Surtout que l’on sait pertinemment que le nombre des civils tués est bien spécifié. Dans certains cas même, comme celui de Bisesero, les Français ne sont pas que responsables, mais coupables de crimes de guerre.
D’autre part, le nombre de civils aidés ou sauvés est inexistant. Aucun rapport n’en fait mention. Aucune source ne cite concrètement les avantages de la présence française au Rwanda en 1994. Donc, si la France ne reconnait pas les retombées de ses actions militaires, elle restera complice, car l’histoire ne peut plus être changée désormais.