Un accord pour la construction d’un oléoduc vers la Tanzanie depuis l’Ouganda a été conclu entre Samia Suluhu Hassan et Yoweri Museveni. Cet engagement entre Total, CNOOC et les présidents ougandais et tanzanienne annonce un partenariat particulier qui n’est pas au goût de tous.
Trois accords ont été signés dimanche au palais présidentiel d’Entebbe, l’ancienne capitale ougandaise. Le président ougandais et son homologue tanzanienne, en partenariat avec Total et CNOOC, ont pris l’engagement de débloquer la construction de l’oléoduc qui transportera le pétrole depuis le Lac Albert, en Ouganda, vers Dar es Salam. Un projet d’une telle envergure aura cependant droit à son lot de détracteurs.
Un projet gigantesque
Le projet sera opéré par la major française Total et la compagnie pétrolière chinoise CNOOC. Il prévoit l’exploitation des gisements découverts en 2006 en Ouganda, dans la région du Lac Albert. L’idée est d’acheminer du brut ougandais par un oléoduc chauffé de 1443 km de long au port tanzanien de Tanga avant son exportation. L’East African Crude Oil Pipeline (EACOP) est au centre des négociations entre l’Ouganda et la Tanzanie depuis des mois.
Finalement, les deux chefs d’Etat ont annoncé conjointement que tous les désaccords liés à l’EACOP avaient été résolus à l’amiable. Un partenariat a été signé par toutes les parties prenantes le 11 avril 2021. Les réserves du gisement peuvent durer entre 25 et 30 ans, avec un pic de production de 230 000 barils par jour. La construction du pipeline coûtera 4 milliards de dollars aux sociétés française et chinoise, Total et CNOOC.
Néanmoins, le projet gigantesque fait objet de vives critiques des ONG. Certaines s’inquiètent des éventuelles conséquences sur l’écosystème et la santé des populations locales. Les pipelines des majors pétrolières en Afrique ont été à l’origine de nombreux griefs par le passé.
Un facteur de risque imposant
Dès lors que les négociations semblaient aboutir, une lettre signée par 38 organisations a spécifié que les investisseurs du projet avaient négligé quelques détails. Selon l’Institut africain pour la gouvernance énergétique (AFIEGO), Total et CNOOC ne seraient pas « dignes de confiance ». Notons que leurs précédents pipelines avaient causé le déplacement de populations entières en Afrique centrale. Par conséquent, le mandat octroyé par la Tanzanie et l’Ouganda accorderait donc une légitimité à la destruction que pourrait infliger le projet à l’écosystème.
A ce propos, Vanessa Nakate a dit : « Il n’y a pas d’avenir dans l’industrie des combustibles fossiles. Nous ne pouvons pas boire de pétrole. Nous demandons à Total de respecter les peuples et la planète », a déclaré la fondatrice de l’ONG « Rise Up ». A cet égard, 260 organisations africaines et internationales auraient envoyé une lettre ouverte à 25 banques la semaine dernière. Selon le journal The Guardian, le collectif exhorterait les banques à ne pas financer la construction de l’EACOP.
Quoi qu’il en soit, le PDG de Total, Patrick Pouyanné, a émis un communiqué lundi. Il y promet que la major des hydrocarbures fera tout ce qui est dans son pouvoir pour décarboniser ses portefeuilles d’actifs. « Ces projets sont d’une valeur significative pour l’Ouganda et la Tanzanie », a-t-il fait valoir.
Enfin, ce nouvel élan de solidarité entre Samia Hassan et Museveni est une bonne nouvelle pour leurs pays. Cependant, une association avec Total est toujours capitonnée de facteurs de risque, voire de dangers.
La première exportation de pétrole via l’EACOP est prévue début 2025. Cette date avoisine celle de la prochaine élection tanzanienne. Est-ce que Samia Suluhu Hassan a pris un si gros risque pour le potentiel politique du projet ?