« Maman, prie pour nous », ont chanté en wolof les colosses de la lutte sénégalaise dimanche. Sur le sable de l’arène nationale de Pikine, dans la banlieue de Dakar, devant 12 000 spectateurs, le sport préféré des Sénégalais a fait son grand retour.
Après un an sans combats, les lutteurs sénégalais les plus connus reviennent dans l’Arène de Pikine, à quelques kilomètres de Dakar. La pandémie de coronavirus n’a pas pris fin, mais les restrictions ont été levées à la mi-mars. Sur les plages de Dakar, les combattants se sont entraînés pendant des semaines. Et après une année sans combats officiels, tout est désormais en place pour faire à nouveau rêver les fans de ce sport pas comme les autres.
La crise sanitaire avait obligé certains lutteurs à trouver d’autres sources de revenus. A tel point que même les plus célèbres ont dû pratiquer des emplois très précaires. Cependant, le jour du grand retour venu, ils étaient tous au rendez-vous. Pour le plus grand plaisir du public, conquis par l’événement.
Les origines de la lutte sénégalaise remontent aux cérémonies célébrant la fin des récoltes. Le sport est populaire au Sénégal, presque tout autant que le football. Tant et si bien que la vie s’arrête littéralement durant les compétitions. Certains vont à l’arène, construite en 2018, pendant que d’autres se collent devant leur télévision. Mais tous ont un point commun : ils sont captivés par cette discipline ancestrale.
Le dimanche 4 avril a donc marque lé retour des champions les plus célèbres de ce sport. Cinq combats étaient au programme, mais le plus attendu était celui opposant Eumeu Sène de Pikine et Lac 2 de Guiers. Un véritable choc des titans qui a tenu ses promesses.
Lac vs. Sène, round 3
Lors de l’évènement principal de la journée de lutte sénégalaise du 4 avril, l’évènement principal, c’était la fameuse revanche. Une rivalité de longue date oppose Lac de Guiers 2 et Eumeu Sène. Le public a dû attendre la fin du temps additionnel pour voir la victoire d’un des deux lutteurs.
Et c’est Lac 2 qui l’a emporté, grâce au nombre d’avertissements plus élevé attribué à son adversaire. En effet, pendant le combat, pas moins de sept avertissements ont été infligés aux deux lutteurs pour non-combativité, dont quatre pour le seul Eumeu Sène. Les deux lutteurs se sont observés et l’accélération brusque du rythme du combat, pendant le temps additionnel, était prévue pour finir sur une bonne note.
La victoire de Lac de Guiers remet les pendules à l’heure et promet un prochain combat grandiose contre Eumeu Sène. Sur les trois combats opposant les deux lutteurs, on dénombre désormais un match nul et une victoire pour chacun des adversaires.
De son côté, Eumeu Sène était le champion de l’arène en 2018 et en 2019. Quelle déception pour lui, donc, de reprendre la compétition avec une défaite contre son rival. Mais il conserve toute l’affection de ses fans : le lutteur de 42 ans est sans aucun doute le combattant le plus populaire de la discipline.
Entre religion et traditions
Les managers des lutteurs se soucient beaucoup de leurs champions. Non seulement, ces derniers sont une grande source de revenus. Mais ils sont aussi considérés comme de véritables demi-dieux, à la manière des sumos au Japon. Avant les combats, les lutteurs sont enduits de « liquide magique » et leurs poignets et chevilles sont équipés d’amulettes.
La lutte sénégalaise n’est pas seulement une question de physique. La préparation de talismans est d’une importance capitale pour les professionnels. Pour éviter la malchance et le maraboutage, personne ne peut approcher le lutteur dans les jours qui précédent le combat, encore moins les étrangers. La présence d’un étranger ou d’une autre personne qui n’appartiendrait pas à l’entourage du combattant peut faire perdre l’envie de se battre, faire tourner la tête de l’athlète ou simplement gâcher le dur travail de préparation des combattants.
Néanmoins, la religion l’emporte toujours pour les Sénégalais, à majorité musulmans. Lorsque l’appel à la prière s’élève, même les matches de lutte s’arrêtent. Et tout le monde va prier, qu’importe l’enjeu.