Le 29 mars, le Président du gouvernement et Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a présenté un plan de développement afin que son pays devienne « un partenaire stratégique » pour l’Afrique. La présence espagnole en Afrique est cependant très modeste.
Le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, alias « El Guapo » — le beau —, a présenté lundi dernier un plan très ambigu sur une expansion économique hypothétique de l’Espagne en Afrique. Il a indiqué son souhait de « faire de cette décennie celle de l’Espagne en Afrique », une décision unilatérale qui amène beaucoup d’interprétations.
Sánchez a déclaré à l’occasion de l’évènement Africa Focus : « Imaginez les opportunités d’affaires et d’investissement que nous apporterons pour connecter nos marchés plus efficacement ». Un projet démuni de détails, qui inclut un travail en collaboration avec le président du Ghana, Nana Akufo-Addo, le ministère sénégalais des Affaires étrangères et le président de la BAD, Akinwumi Adesina.
L’immigration, un problème espagnol
Jusqu’à présent, l’Afrique représente 4,6 % des exportations espagnoles et 5,8 % des importations, selon les données du gouvernement espagnol. Un continent où des puissances économiques comme la Chine, les États-Unis et la France sont très présentes, et qui serait, selon Sánchez, un lieu d’expansion pour l’Espagne.
Le Premier ministre espagnol se rendra en Angola et au Sénégal, deux pays qu’il considère comme prioritaires, les 8 et 9 avril prochains. Au Sénégal, la visite aura également un aspect sécuritaire, les discussions tourneront certainement autour de l’immigration.
Le continent africain n’est qu’à quelques dizaines de kilomètres de la côte sud de l’Espagne. Des dizaines de milliers de migrants africains désireux d’entrer en Europe ont profité de cette courte distance pour traverser la Méditerranée vers l’Espagne ces dernières années, au cours d’un voyage souvent dangereux.
Et afin de marquer le paternalisme dans son discours, que l’Etat espagnol ne peut probablement pas assumer, Pedro Sánchez a expliqué dans son discours que l’immigration des Africains était liée au manque d’opportunités et que les investissements espagnols en Afrique pourraient les aider à y rester. Il faut rappeler que l’Espagne traverse une récession, une crise de chômage et un conflit civil depuis des années et que le peuple espagnol réclame des investissements à domicile.
Des ambitions désordonnées
Le Président du gouvernement espagnol a aussi expliqué que la semaine « Africa Focus » à Madrid « a sans aucun doute été le pas en avant le plus important, le plus significatif et le plus engagé que l’Espagne ait fait dans sa politique étrangère à l’égard du continent africain depuis de nombreuses années. ». Et il n’a probablement pas tort. En choisissant la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) comme zone d’action prioritaire de son plan, et en mettant en avant sa récente amitié avec Nana Akufo-Addo, président de la Cedeao, Pedro Sánchez a souligné l’absence d’autres acteurs africains plus imminents vis-à-vis de l’Espagne.
Certes, les ambassadeurs du Maroc, de la RDC, de l’Egypte et d’autres pays africains étaient présents. Mais l’absence officielle du Maroc, le voisin de l’Espagne, soulève des questions. Si Pedro Sánchez compte réduire les flux migratoires, ce n’est pas avec le Sénégal seulement qu’il devait aborder la question, et encore moins avec le Ghana. Et si c’est le développement économique qu’il cherche, ce n’est pas le même Ghana, très endetté et investi dans ses propres projets de développement nationaux, qui sera la solution.
Néanmoins, Pedro Sánchez ne mâche pas ses mots : « L’Espagne veut être un partenaire stratégique et spécial du continent africain. Cela signifie promouvoir la présence commerciale et l’investissement des entreprises espagnoles en Afrique, faire entendre leur voix en Europe, contribuer à l’éradication de la pauvreté et à l’accès au vaccin contre le coronavirus avec des critères justes et équitables, en favorisant l’égalité et l’intégration régionale africaine, garantir que la migration soit sûre et ordonnée, et coopérer dans la lutte contre le changement climatique. En bref, aller de l’avant avec les Africains vers un avenir plus juste, plus prospère, plus durable et plus féministe ». Et Sánchez d’enchainer pêle-mêle sur l’électrification du Sahel, le financement des banques continentales, l’éradication du terrorisme, le soutien aux PME…
Le chef du gouvernement espagnol a enfin, tout aussi brièvement, indiqué son envie de collaborer avec la zone de libre-échange africaine, la Zlecaf. C’est à se demander si le sulfureux Sánchez a les yeux plus gros que le ventre ou s’il exprime une réelle volonté d’investissement de la part de l’Espagne en Afrique.