Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a déclaré qu’il considérait la récente montée en régime du GERD comme un acte hostile de l’Ethiopie, promettant une « instabilité inimaginable » si cette dernière ne garantissait pas les 41 milliards de mètres cubes par an à l’Egypte.
« Je ne menace personne ici, notre dialogue est toujours raisonnable et rationnel », a déclaré le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi mardi lors d’une conférence de presse à Ismaïlia. Et le maréchal d’ajouter : « Je le répète encore une fois, personne ne prendra une goutte de l’eau de l’Egypte, et si cela se produit, il y aura une instabilité inconcevable dans la région ». Pas de menaces, donc, mais une tentative d’intimidation qui y ressemble beaucoup.
Le barrage, en voie d’achèvement, a été créé pour recevoir les eaux du Nil Bleu en Ethiopie et, selon le Premier ministre Abiy Ahmed, pour produire un impact positif sur la fourniture d’électricité à 110 millions d’Ethiopiens. « L’Ethiopie n’a pas l’intention de causer des dommages au Soudan et à l’Egypte. Mais nous ne voulons pas non plus vivre dans l’obscurité », a-t-il déclaré la semaine dernière.
Entre amour et haine
Ce « Je t’aime, moi non plus » entre l’Ethiopie et l’Egypte à propos du GERD a commencé alors que les gouvernements précédents étaient en plce. Le Soudan, qui est situé en aval, craint que les eaux de ses propres barrages ne soient littéralement menacées si le GERD est rempli à pleine capacité avant un accord entre les parties.
Al-Sissi, président de l’Egypte, également dépendant des eaux du Nil pour l’énergie et l’agriculture, voit le barrage en Ethiopie comme une menace. Il a exigé depuis son investiture qu’un débit de 41 milliards de mètres cubes par an lui soit garanti, mais l’Ethiopie n’en promet que 30 milliards. Avec les essais des dernières turbines du barrage à l’horizon, l’Ethiopie a accéléré les capacités du barrage. Raison pour laquelle al-Sissi est passé directement aux menaces.
« Personne ne doit s’imaginer qu’il est loin du courroux de l’Egypte », a déclaré le président égyptien. Déclaration à laquelle le porte-parole du ministère éthiopien des Affaires étrangères a répondu : « Nous respectons la sagesse africaine et pensons qu’elle sera d’une grande aide lors des négociations », réclamant ainsi la médiation de l’Union africaine (UA) dans ce conflit diplomatique interminable.
La paix ou la guerre?
Le Soudan avait également proposé une médiation de la part de l’UA, l’ONU, les Etats-Unis et l’UE le mois dernier. L’offre a été acceptée par Le Caire, mais pas par Addis-Abeba. L’Ethiopie a ses propres problèmes avec les instances internationales à cause du conflit du Tigré, et voit toute médiation non africaine comme de l’ingérence.
Evidemment, la guerre du Tigré implique le Soudan et l’Ethiopie, deux parties du problème du GERD. Les deux pays sont littéralement en guerre, avec des blindés déployés le long de la frontière. La raison officielle est la crise des réfugiés tigréens, mais cela va sans dire qu’il s’agit d’une bagarre purement territorialiste, dont les origines remontent à bien avant la guerre.
Bon gré mal gré, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed devra trancher entre la crise du barrage et la guerre du Tigré, étant donné que sur l’une des deux questions, l’Egypte et le Soudan sont des alliés naturels. Ça sera effectivement l’Ethiopie qui devra faire des concessions. Ou alors, elle risque de s’exposer éventuellement à un al-Sissi belliciste et sanguinaire, même avec son propre peuple.