Alors que le méga projet d’oléoduc dans l’Est africain débute ce mois-ci, Total est accusé par une ONG d’être à l’origine d’une future catastrophe environnementale et humanitaire.
L’East African Crude Oil Pipeline, le méga-projet d’oléoduc en l’Afrique de l’Est, Total fait scandale. La multinationale française s’est attiré les foudres de l’ONG Reclaim Finance. Dans son rapport « Total fait du sale : la Finance complice ? », l’organisation tente de démonter les discours des dirigeants de Total et de mettre le groupe face à ses responsabilités. « Malgré son narratif de groupe multiénergies orientés vers le GNL (gaz naturel liquéfié) et la production d’électricité à partir de renouvelables et de gaz, Total SE demeure à l’heure actuelle une entreprise pétrolière déterminée à profiter des dernières réserves de pétrole conventionnel », indique le rapport.
Une catastrophe environnementale
Parmi les reproches faits par l’ONG à la multinationale, l’East African Crude Oil Pipeline. Un projet dans lequel est impliqué Total et qui, poursuit Reclaim Finance, est « en bonne voie » pour de devenir le DAPL — un méga projet de pipeline aux Etats-Unis — de l’Afrique. Le DAPL est « contesté en raisons des lourdes violations des droits des populations autochtones associées à son développement, en plus de ses risques pour le climat et l’environnement », précise Reclaim, qui estime donc que Total participe au même type d’opération sur le continent, donc.
Sur le papier, l’East African Crude Oil Pipeline a quelque chose d’extraordinaire : 1 445 kilomètres, pour relier la raffinerie de Hoima en Ouganda au port de Tanga en Tanzanie, une production de 200 000 barils quotidiens et de nombreuses conséquences pour les populations et l’environnement. Reclaim indique en effet que « Total SE entend en produire environ 200 000 par jour à partir de son projet Tilenga situé dans et aux alentours du parc naturel protégé des Murchison Falls ».
Côté écologie, « le pétrole transporté entraînerait probablement plus de 33 millions de tonnes d’émissions de CO2 chaque année, une quantité nettement supérieure aux émissions combinées de l’Ouganda et de la Tanzanie », déplore l’ONG qui affirme que, « en plus d’alimenter la crise climatique, l’oléoduc permet d’ouvrir des écosystèmes critiques à l’extraction du pétrole, dont le parc national de Murchison Falls, l’un des plus visités d’Ouganda ». Ce projet, poursuit le rapport consacré à la multinationale, « menace de nombreux environnements protégés, forêts, zones humides et mangroves ainsi que les moyens de subsistance des communautés locales ».
Les populations locales chassées de leurs terres
Côté humain, le projet d’oléoduc inquiète aussi puisque, explique l’ONG, il « devrait provoquer un déplacement à grande échelle des communautés, en passant par des centaines de villages en Ouganda et Tanzanie ». D’ores et déjà, des dizaines de milliers de personnes ont vu leurs terres être accaparées « et leurs droits bafoués ». De quoi inquiéter les ONG. Le 1er mars dernier, plus de 260 organisations ont adressé une lettre ouverte aux banques finançant la construction de l’oléoduc pour évoquer les risques « inacceptables » que comporte ce projet.
Les ONG, nationales et internationales, encouragent les banques à ne pas financer le projet, estimé à 3,5 milliards de dollars. Elles demandent aux dirigeants gouvernementaux de préférer à ce pipeline des investissements à destination des énergies renouvelables. Les organisations accusent les banques qui financeront l’oléoduc d’être irresponsables, rappelant que 400 villages seront touchés par ce projet et que 14 000 ménages pourraient perdre leurs terres.
Total a, selon un rapport de BankTrack, déjà bloqué l’accès à leurs terres agricoles à 5 000 ménages depuis 2018. Selon le document, aucune indemnité n’a été prévue pour ces familles. Sur son site internet, Total a répondu aux accusations contenues dans le rapport de Reclaim Finance. Une clarification qui tente de blanchir la multinationale qui, pas une seule fois, n’évoque en revanche le projet d’East African Crude Oil Pipeline.